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Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/228

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vôtres, en bonne santé, le premier de tous les biens, et que tout puisse vous prospérer avec bonheur. Pour moi, je ne puis me plaindre ; je viens de toucher au bonheur, avec l’assurance d’une existence matérielle et honorable.

Vous savez que je suis professeur de L’École, avec cent louis. C’est là que se bornent toutes mes ambitions de bien-être, mais pas celles de devenir toujours meilleur dans mon art. Aussi, je ne m’épargne aucun soin ; mais je vais peu vite, il est vrai, parce que je reconnais tous les jours par expérience que tout ce que l’on fait vite est toujours rempli de fautes. Élèves nés de Raphaël, disons aussi et à plus forte raison, comme Zeuxis : « Mon ouvrage vivra d’autant mieux, que j’aurai mis plus de temps à le faire. » Ceci n’est point raison de paresseux, car je ne le suis pas ; mais bonne raison, pensez-le bien.

Mon jeune Saint [1] devait être terminé à cette époque, mais beaucoup de ceci et de cela ne l’ont pas voulu. Il le sera bientôt, j’espère, et peut-être d’une manière assez remarquable. Savez-vous bien que c’est un ouvrage très considérable par quantité et qualité. Au reste, le peu de gens éclairés qui l’ont vu, en ont été sensiblement frappés, ce qui me donne beaucoup de cœur à le poursuivre. Que ne puis-je, cher ami, vous compter parmi eux, vous dont je fais tant de cas pour le goût si sur et si bien identifié avec le mien.

  1. Le Martyre de saint Symphorien qu’Ingres peignait pour la cathédrale d’Autun.