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Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/314

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coupable et le plus malheureux de tous les paresseux qui vivent sous le ciel. Garde-toi de croire que je ne paie ton ami lié d’un égal retour et pardonne-moi. Je n’ai pas le front de te donner des raisons : moi, horrible négligent ; mais oublieux, jamais !

Tu connais Paris. Eh ! bien, il m’est tombé dessus, j’en suis accablé. Lorsque je crois pouvoir gagner les bords du gouffre, je m’y vois replongé de plus belle. Toutes mes heures, tous mes moments sont comptés, toutes mes soirées sont précédées de dîners retenus d’avance. J’expie les honneurs et les ennuis d’une position digne d’envie, certes, mais qui au fond ne me rend pas heureux, il s’en faut. J’aimerais mieux le calme et la douceur du foyer avec mes amis choisis et mon atelier, où je suis roi, où j’oublie qu’il est des ennuis, des chagrins ; là, où je suis heureux avec les difficultés à vaincre de mon bel art, quelquefois couronné par ma propre approbation et surtout quand je revois longtemps après, dans le monde où je les ai lancés, ces enfants qui m’ont tant coûté de soins, et de sollicitudes tendres et courageuses. Voilà ce qu’il me faut.

Depuis que j’ai peint les portraits de Berlin et de Mole, tout le monde en veut. En voilà six que je refuse ou que j élude, car je ne puis les souffrir. Eh ! ce n’est pas pour peindre des portraits que je suis retourné à Paris. Je dois y peindre Dampierre et la Chambre des Pairs.

Cependant, j’ai dû accepter de peindre le duc