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Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/339

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Flandrin m’engagèrent à la manifester, au contraire, à leur cher maître que ce genre de compliment ne laissait pas insensible.

Plus d’une fois, le soir, près de minuit, rentrant seuls tous deux en tête-à-tête, (il demeurait alors, rue Jacob ; et j’étais son voisin, rue Bonaparte), nous causions, arrêtés encore sur le trottoir, de peinture et surtout de musique. Il était, sur ce point, particulièrement éloquent.


Un voyageur en Perse, non sans compétence spéciale, professait devant Ingres un réel intérêt et une certaine admiration pour la musique persane, de modalité et de rythme différents et même contradictoires de ceux d’Europe, et il parlait du plaisir qu’on prenait à l’indiscutable virtuosité de divers de ces exécutants. Ingres en était tout hésitant, puis troublé et enfin désolé, il s’écria : « Mais alors, où en sommes-nous ici, avec Gluck, Mozart, Beethoven ? Ils se trompent ou nous trompent ; ou bien, c’est nous, qui nous trompons !… » Et il restait inconsolable.


Un de ses plus anciens et meilleurs élèves rencontre Ingres au coin des rues Jacob et des Saints-Pères, vis-àvis la boutique d’un pâtissier renommé, Guerbois. Le maître paraît attendre quelqu’un ou quelque chose. Tout d’un coup : « Mangeons des gâteaux ! » fait-il. Il n’y avait qu’à accepter et avec grand honneur. On entre et on se livre à une vraie goguette, à laquelle Ingres priait et entraînait absolument son invité : 1° parce qu’il mangeait toujours volontiers et dru ; 2° parce qu’il adorait la pâtisserie ; 3° parce qu’il regardait, au comptoir, dans la glace, sous tous les aspects, la maîtresse de la maison :

— Voyez-vous ?…, disait-il à la dérobée, la bouche et les yeux pleins et dévorants. Voyez-vous ?… Mais