Aller au contenu

Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 333 —

qu’ils sont eux-mêmes la nature. Aussi il faut vivre d’eux, il faut en manger. De même, pour les peintures des grands siècles : croyez-vous qu’en vous ordonnant de les copier, je veuille faire de vous des copistes ? Non, je veux que vous preniez le suc de la plante. Adressez-vous donc aux maîtres ; parlez-leur, ils vous répondront, car ils sont encore vivants. Ce sont eux qui vous instruiront ; moi, je ne suis que leur répétiteur.


Il ne faut pas rechercher outre mesure les sujets. Un peintre peut faire de l’or avec quatre sous. J’ai conquis ma réputation avec un ex-voto, et tous les sujets peuvent produire des poèmes. On ne doit pas, non plus, trop se préoccuper des accessoires ; il faut les sacrifier à l’essentiel ; et l’essentiel, c’est la tournure, c’est le contour, c’est le modelé des figures. Les accessoires doivent jouer dans un tableau le même rôle que les confidents dans les tragédies. Les auteurs les y mettent pour encadrer les héros et les faire saillir. Nous devons, nous peintres, entourer nos figures, mais de façon que cet entourage serve à fixer l’attention sur elle et à enrichir le principal de tout l’éclat que nous enlevons à tout ce qui l’environne.


Je suis allé avec Paulin voir les Stanze (1814). Jamais Raphaël ne m’avait pas paru aussi beau, et, plus que jamais encore, je remarquai combien cet homme divin l’emporte sur les autres hommes. Je suis convaincu qu’il travaillait de génie et qu’il portait toute la nature dans sa tête ou plutôt dans son cœur. Lorsqu’on en est là, on est comme un second créateur.

Quand je pense que, trois cent ans plus tôt., j’aurais pu devenir son disciple véritablement.

En considérant les œuvres gigantesques, sublimes, de Michel-Ange, en les admirant de tout son cœur, on y aperçoit cependant les symptômes ou les marques des