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Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/492

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L’art naturel et peu affecté des portraits du Titien, dans la noblesse qui leur paraît innée et inhérente, nous arrache un respect involontaire. Lorsque, par hasard, un portrait du Titien se trouve placé à côté du plus beau des Van Dyck, celui-ci devient froid et gris : conséquence de cette comparaison.


La couleur flamande de peinture, partie animale de l’art…


Le Poussin ne pouvait rien souffrir du Caravage et disait qu’il était venu au monde pour détruire la peinture. On pourrait bien en dire de même de Rubens et de tant d’autres. Il a fait cependant de beaux portraits, notamment celui du grand maître de Malte, qui va de pair avec les plus beaux.


Van Dick faisait toujours un portrait du premier coup. Il commençait le matin ; et, pour n’interrompre pas son travail par un long intervalle de temps, il retenait à dîner ceux dont il faisait les portraits et qui demeuraient volontiers chez lui, de quelque qualité qu’ils fussent, parce qu’ils étaient bien traités et divertis agréablement pendant le repas. Après le dîner, il ne faisait plus que de les retoucher pour les finir.


Un portrait manque souvent de ressemblance parce qu’il a été mal posé, en de mauvaises dispositions de lumière et d’ombre qui feraient méconnaître l’original même, si on le voyait dans le même endroit où il fut peint. Pour y bien réussir, il faut se pénétrer longtemps du visage qu’on veut peindre, le considérer à satiété de tous les côtés et consacrer à cela même la première séance. En outre, il y a des visages qui sont plus avantageux à peindre de front, d’autres de trois quarts ou de côté, quelques-uns de profil. Les uns demandent beaucoup de lumière ; les autres font plus d’effet quand il y a des ombres, et