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Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/526

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tirait avec dix sous coupés par moitié : « Notre déjeuner monte à chacun 5 sous, écrit-il à ses parents pauvres, le 14 avril 1829. Ensuite, nous travaillons jusqu’à 6 heures ; et nous allons dîner pour chacun 15 sous ; ce qui fait par jour, entre nous deux, 40 sous. Nous mangeons, dans un restaurant très propre, les choses les plus simples et les plus naturelles ». Et puis, ce fut l’entrée à l’atelier de M. Ingres qui « passe, écrit-il encore, pour avoir de plus grands talents que M. Hersent. Ensuite, son École est beaucoup mieux réglée et plus tranquille. » Et, en 1833, advint le prix de Rome où l’élève précéda de deux ans l’arrivée de son maître pour y peindre ce Jésus et ce Dante, qui furent les premières de ses grandes œuvres et qu’Ingres eut tant de fierté à voir exposées à l’admiration de tous : «…Ce qui m’a fait bien plaisir, c’est le contentement que témoignait M. Ingres le premier jour de l’Exposition, (à la Villa Médicis, le 9 mai 1835). À mesure que l’on plaçait ma figure (l’Euripide ou le Polytès ?) puis mon tableau de Dante, ses yeux brillaient de joie ; et, en passant près de moi, il me serra furtivement la main ». Et puis, ce fut le retour en France, où l’attendaient, dans tant d’églises, ces épopées chrétiennes où l’artiste et le saint dépensa toute sa foi et tout son art, sinon toute l’âme, qui repartit en Italie, en 1864, pour s’envoler, si jeune encore, vivre le reste de son immortalité parmi ces panathénées glorieuses lu ciel dont il avait peint, sur terre, si glorieusement les processions harmonieuses. « Je ne mange plus que des fleurs ! », disait le pauvre agonisant qui, par un miracle de poésie bien dû à ce martyr de l’art chrétien, avait fini par ne trouver au pain et aux autres aliments de ce bas monde que la saveur du printemps éternel qui commençait pour lui. — Voici Desgoffes, dont la fille Aline avait épousé Paul Flandrin, Desgoffes, ce paysagiste de l’Age d’Or, dont son maître avait dit : « Si je n’étais Ingres, je voudrais être Desgoffes », et dont il célébra la tardive croix de chevalier de la Légion d’honneur par ce billet du