Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/185

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une troupe d’enfants, abandonnés comme lui, qui trouvaient le vivre et le couvert dans une grande bâtisse, située à Oakland, en face de San-Francisco.

Le chef et nourricier de la troupe était un industriel de la rue qui, selon les aptitudes de ses « pupilles », les dressait à la mendicité ou au vol.

Or, Jud ne voulut s’adonner à aucun de ces « métiers », ainsi que l’on désignait ces occupations, à Oakland. Mais, par contre, il se montrait robuste, adroit, audacieux. Le « patron » le loua à une compagnie de gymnastes ambulants, avec lesquels il parcourut le territoire des États-Unis. Il grandit, et, sept ou huit ans plus tard, la dislocation, le trapèze, le bâton, la boxe n’avaient plus de secrets pour lui.

Pour son malheur, Jud avait conservé un certain don quichottisme inné. L’injustice le révoltait… à ce point qu’il cherchait à la combattre partout où il la rencontrait. Cette tendance décida de sa vie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le 15 septembre 1802. le jeune Jud, âgé de douze ans environ, ainsi que l’établit l’instruction avec autant d’exactitude qu’en comporte l’état civil d’un orphelin, sans répondants d’aucune sorte et sans domicile fixe, le jeune Jud, dit Allan, fut condamné à deux mois de détention dans la prison moralisatrice d’Alb-Point, établie par un philanthrope sur la hauteur de Fall-Hill, à quelques milles de San-Francisco.

Le délit qui motivait sa condamnation provoqua la gaieté de l’auditoire rassemblé autour du tribunal.

Jud avait rossé deux policemen, coupables, selon lui, d’avoir tenté d’arrêter arbitrairement une petite marchande de fleurs. Celle-ci s’était enfuie à la faveur de la bagarre, et Jud avait obstinément refusé d’apprendre à ses juges le nom, l’adresse de la fugitive.

À toutes leurs questions il avait répondu :

— Vous êtes juges. Votre métier est de condamner. Vous me tenez, condamnez-moi ; mais ne me demandez pas d’être votre pourvoyeur de victimes.

Durant trois jours, tout San-Francisco s’était entretenu du « Chevalier vagabond », ainsi qu’on le désignait, avec une nuance de bienveillance ; puis, le tribunal, impressionné par l’inconsciente sympathie publique, avait fait bénéficier le prévenu des circonstances atténuantes… Ci, deux mois d’emprisonnement.

Donc, Jud fut interné à Alb-Point.