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Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/402

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lampe allumée. Parfait, le message de ma sarbacane arrivera plus sûrement.

Mais elle s’interrompit, se recroquevillant sur elle-même, comme pour se confondre plus étroitement avec les broussailles qui l’entouraient. Des coups discrets avaient résonné sur la porte intérieure de la chambre éclairée.

— Qui frappe au milieu de la nuit chez le marquis de Chazelet ? murmura la vieille femme.

Sans doute, le Français s’adressa la même question, car le ton de sa voix parvint jusqu’à l’Indienne.

— Qui va là ?

— C’est moi, Jemkins, répondit un organe étouffé.

Le cliquetis du pêne glissant dans sa gâche annonça à Marahi que le marquis ouvrait au visiteur.

Presque aussitôt deux silhouettes se découpèrent dans l’encadrement de la croisée. C’étaient Frey Jemkins et Pierre de Chazelet.

— Pourquoi cette visite tardive ? balbutia Pierre.

Tranquillement, Frey Jemkins repartit :

— Parce que Linérès mourra cette nuit, si…

— Elle ? Pourquoi vous arrêtez-vous ?

— Parce que je respire, monsieur le marquis. On a beau être de roture, comme vous dites, vous autres gentilshommes, on respire tout de même.

Puis, goguenard :

— Donc, Linérès trépassera avant le matin, si vous êtes incapable de l’effort nécessaire pour la sauver. Cet effort consiste simplement à m’affirmer sur l’honneur que vous ne refuserez pas d’épouser ma jolie cousine.

— Elle ne l’est pas, commença impétueusement Chazelet…

Mais son interlocuteur l’interrompit sèchement.

— Je ne vous demande pas vos rêveries. L’important est que, à mon point de vue, Linérès soit ma cousine… En qualité de cousin, je veux assurer son bonheur, puisque cette petite folle veut vous épouser… Et quand je me suis mis en tête de faire le bonheur de quelqu’un, rien au monde ne m’en pourrait empêcher.

— Misérable !

L’insulte tomba, sifflante, dans les ténèbres. Un ricanement de Jemkins y fit écho.

— Les mots ne sont rien ; les actes seuls importent. Votre colère même me démontre que vous m’avez compris. Quelle est votre décision ?