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Page:Ivoi - Jud Allan, roi des gamins.djvu/82

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Paris, qui l’avait accueilli de façon charmante. Pierre rêvait, répondant par monosyllabes.

La singulière prédiction du magicien de l’ambassade s’imposait à son esprit.

— Retourne à pied à ta demeure. L’ami dont tu as besoin, se rencontrera sur tes pas.

Et il déambulait à présent auprès d’un homme qui venait de le tirer des mains de malandrins. La coïncidence était au moins singulière. Seule, elle eût déjà frappé le jeune marquis, mais survenant après l’incroyable enchaînement de faits qui, de la posada del Cid, l’avait amené à Paris, l’avait mis en présence de Linérès, ce n’était plus une coïncidence, c’était une scène de cette féerie moderne dont il se sentait l’acteur involontaire.

Plus rien dans sa vie n’appartenait à son libre arbitre. Des volontés étrangères, inconnues, peut-être contradictoires, le gouvernaient, dirigeant ses mouvements, réglant ses gestes, accaparant ses pensées.

Et dans la brume de ses réflexions confuses, les discours de son compagnon lui parvenaient de façon trouble, comme en un demi-sommeil, alors que le cerveau, point encore dégagé du rêve, devine néanmoins le voisinage de l’état conscient.

Ainsi, les promeneurs atteignirent le palais d’Orsay. Ils ne pouvaient se séparer ainsi.

Un cocktail, offert et accepté, Allan s’écria tout à coup :

— Mais, j’y songe… Ces méchants drôles ne vous ont-ils point volé ?

La question fit sursauter le marquis de Chazelet.

Volé !

Il portait sur lui près de vingt mille francs, provenant, par moitié, du prêt du bandit Selenitès et du reliquat que lui avait remis Morand.

Précipitamment, il porta les mains à ses poches.

Et son visage blêmit.

Ses poches étaient vides. Les voleurs avaient accompli leur besogne. Billets de banque, portrait de Linérès, lettres, papiers, tout avait disparu.

Or, nouveau Bias, Pierre de Chazelet avait conservé toute sa fortune sur lui.

L’aventure apparaissait irréparable.

Que faire sans argent ? Ah ! le joli défenseur qu’il présenterait à Mlle de Armencita ! un défenseur n’ayant bientôt d’autre asile que le dessous des ponts des vagabonds.