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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/116

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Le soldat rectifia la position à la vue du personnage qui sauta de la voiture sur le trottoir.

Il avait reconnu M. Lepiquant, préfet de police de la bonne ville de Paris.

Tout le monde connaît M. Lepiquant, figure parisienne par excellence.

Quarante-cinq à cinquante ans, de taille moyenne, alerte, le poil grisonnant, la face volontaire et cordiale, accomplissant son devoir avec une énergie spirituelle qui lui a concilié les sympathies des perturbateurs les plus extrêmes.

Il avait à peine posé le pied sur le trottoir, qu’un balayeur, jusque-là occupé à repousser du bout de son « genêt » les scories de la circulation polluant la chaussée, s’approcha vivement et lui adressant la parole avec une familiarité respectueuse :

— Eh bien, monsieur le préfet ?

Sans manifester le moindre étonnement, l’interpellé répliqua :

— J’ai mis en campagne, dès hier soir, sitôt après vous avoir vu, les brigades de surveillance des étrangers. J’aurai sans doute du nouveau ce matin.

— Comment le saurai-je ?

— J’enverrai à votre domicile… Hermann, n’est-ce pas, rue des Lavandières-Sainte-Opportune ?

— Monsieur le préfet a la mémoire sûre d’un maître.

Et le balayeur reprit son travail un instant interrompu.

M. Lepiquant se dirigea vers la porte cochère, encore close à cette heure matinale, et sonna. Un instant plus tard, il se trouvait sous la voûte du vestibule conduisant à la première cour.

M. Lepiquant pénétra dans la loge, s’approcha d’une boîte aux lettres fixée au mur, tira de son gousset une petite clef nickelée qu’il introduisit dans la serrure, et ouvrit la boîte.

À l’intérieur, des papiers, lettres, journaux. Le préfet s’en saisit ; puis sa main tâtonna un instant au fond de la cachette postale, enfin il la ramena à lui. Entre ses doigts, il serrait une seconde clef, celle-ci de dimension moyenne.

Cette clef est celle qui actionne la serrure compliquée apposée à la porte du bureau particulier du préfet. Quand celui-ci s’absente, il l’enferme dans sa boîte-correspondance, chez le concierge, boîte dont il porte toujours la clef sur lui. De la sorte, nul ne saurait pénétrer dans son cabinet, et toute « indiscrétion » devient impossible.

Il s’éloignait déjà.

En marchant, il dépliait un journal, avec la vivacité de l’homme pour