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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/135

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— Et vous êtes une hirondelle très brave, très gaie et très bonne comme toujours, murmura la compagne de Suzan.

— Ketty a raison, appuya aussitôt Joé, ravi de pouvoir défendre celui qui l’avait enrégimenté à Londres.

Peut-être Suzan aurait-elle protesté. Tril ne lui en laissa pas le temps.

— En tout cas, accomplissons notre consigne. Vous, jeunes filles, allez vous poster de l’autre côté de l’hôtel. Ceux qui se cachent, n’entrent pas toujours par la grande porte…

Soudain, il s’interrompit.

Cornant avec rage, une automobile, venant de la place de Paris, s’engageait à vive allure dans la Wilhelmstrasse.

Dans le véhicule, aucun voyageur.

Seul, le chauffeur, engoncé dans une casaque de poil de chèvre, la casquette enfoncée jusqu’aux yeux, cachés eux-mêmes par d’énormes lunettes de tourisme, apparaissait, tel un animal apocalyptique, emporté par le fameux coursier sans tête des ballades allemandes.

Le personnage aimait le bruit, car il ne cessait de faire meugler sa sirène, suivant un rythme sans doute harmonieux à ses oreilles.

— Peuh !… Peuh ! Peuh ! Peuh !… Peuh ! Peuh !… Peuh !

— Oh ! plaisante Joé, c’est bien sûr un maître de chapelle automobile !

Mais il se tut net, ajoutant après une seconde :

— Ah bien ! Il n’a pas peur du chancelier, celui-là.

Aucun de ses compagnons ne répondit. Tous restaient muets de surprise.

L’automobile avait exécuté une conversion brusque et, sans ralentir, s’était engouffrée sous la voûte du no 74, tout en continuant son infernal vacarme.

Pour qui connaît la déférence apeurée que marquent au chancelier les habitants de Berlin, l’acte du watman inconnu devait être considéré comme une témérité voisine de la folie.

— Non, comme dit Joé, il n’a pas peur.

Tril ponctua sa remarque d’un léger cri.

— Eh mais ! Il était attendu !

Parfaitement. L’automobile avait stoppé dans la cour intérieure, au fond de laquelle on apercevait les verdures du jardin de la Chancellerie s’étendant jusqu’à la Kœniggratzerstrasse parallèle à la Wilhelmstrasse.

Le chauffeur avait sauté à terre. Mais si rapidement qu’il eût exécuté ce mouvement, un huissier s’était trouvé auprès de la machine pour le recevoir.