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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/153

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

concierge sort. Il salue militairement le faux mécanicien, s’empresse à faire tourner la grille sur ses gonds.

L’espion semble chez lui dans la demeure du souverain.

L’auto se remet en marche, passe devant le portier, qui a repris son attitude respectueuse, ce dont Von Karch le récompense par un léger signe de tête.

Maintenant, il roule dans les allées sinueuses qui serpentent au flanc boisé du Babelsberg.

Brusquement, l’espion freine. Le véhicule s’arrête. Un treillage de fer coupe le chemin, isolant une partie du parc où la végétation affecte le fouillis d’une forêt vierge.

Ah ça ! la route se termine en cul-de-sac ? Non. L’Allemand met pied à terre, détache un large panneau du treillage que des crochets, invisibles pour qui ne connaîtrait pas le secret de cette disposition, fixent à la partie non mobile de la clôture. Il fait passer le véhicule par cette brèche, remet le treillage en place, puis se rassoit au volant.

C’est un sentier à peine tracé que suit à présent la machine. La pente s’accentue. À deux reprises, parmi le lacis des branches, apparaissent des constructions aussitôt masquées par les feuillages.

Brusquement, le voyageur débouche dans une clairière qu’entoure un rideau de hêtres feuillus. Au centre, se dresse une lourde bâtisse carrée, surmontée d’une terrasse italienne, et qu’isole un fossé profond, où miroite une eau verdâtre. On dirait une forteresse, un blockhaus.

Une étroite chaussée dallée enjambe la douve, aboutissant à la porte de l’étrange habitation, porte massive, renforcée d’arabesques de fer.

Von Karch enveloppa tout cela d’un regard inquisiteur. Puis il eut un sourire au fossé, à la maison, aux fenêtres garnies de barreaux solides.

— Eh ! Eh ! ricana-t-il, même en connaissant le gîte, l’assaut serait dur.

Mais avec un haussement d’épaules, il ajouta :

— Non, non. La vraie force est de demeurer inconnu.

Puis, ses yeux se portent du côté opposé à celui par lequel il est entré dans la clairière.

La verdure masque tout l’horizon ; pourtant, un brouillard léger dépassant la cime des arbres, décèle qu’au bas de la pente coule la Havel, cette rivière étrange, au cours formé par un chapelet de lacs et d’étranglements, et qui, après avoir absorbé la Sprée, rivière berlinoise, descend paresseusement vers le fleuve Elbe, où elle disparaît à son tour.