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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/171

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

par un ordre que lance d’une voix brève celui dont il vient de solliciter l’approbation :

— Va, Siemens !

Et l’herculéen matelot a saisi Brock. Il le renverse sous lui, le ligote à l’aide d’une cordelette tirée de sa vareuse.

Cela a été si rapide, si inattendu ; la disproportion des forces entre le marin et le cuisinier est si grande, que Brock se trouve garrotté, réduit à l’immobilité absolue, avant d’avoir eu conscience de ce qui lui arrive. C’est d’un air ahuri, hébété, qu’il réussit enfin à dire :

— Ah ça ! Qu’est-ce que vous faites ? Quelle est cette plaisanterie ?

Il ne continue pas. Ses yeux ont rencontré le regard de Von Karch. Ils y ont lu le mépris, la résolution inébranlable. Et sa face blêmit d’épouvante, lorsque se penchant sur lui Von Karch gronde :

— Ceci est un acte de justice.

— De justice ? répète le misérable terrifié.

— Je punis un traître.

Brock, sous cette accusation, frissonne. Il essaie de se défendre :

— Moi, traître ! Comment pouvez-vous croire que votre dévoué Brock ?…

Mais son interlocuteur lui impose rudement silence :

— Tais-toi, le mensonge est inutile. Tu as écrit à la chancellerie de Berlin. Tu as proposé de vendre le secret de nos opérations en Angleterre.

— Mais cela est faux, bredouille le captif dont les dents claquent.

Sa voix s’étrangle dans sa gorge. Von Karch vient de tirer un papier de sa poche.

— Voici ta lettre. Je l’ai interceptée, mon bel ami. Elle m’a affligé, crois-le bien, car j’espérais pour toi un brillant avenir.

Et avec une gaieté insultante :

— Seulement, on ne joue pas contre moi. Tu as été présomptueux, mon petit. Donc, en possession de ta lettre, je t’ai répondu, t’enjoignant d’obéir à mes instructions jusqu’au bout, puis d’envoyer le détail de suite à la chancellerie. Et tu as obéi.

— Grâce, balbutia le misérable.

— Grâce. Tu es fou ! M’auriez-vous fait grâce ; le chancelier qui cherchait à me poursuivre pour un crime étranger à l’espionnage, à m’envoyer dans un bagne quelconque où je méditerais sur les dangers de servir fidèlement un gouvernement ; toi, qui espérais te gorger de mes dépouilles, et peut-être mériter les bonnes grâces de cet adversaire ter-