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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/201

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MISS VEUVE.

chés aux agrès. Ils avaient volontairement sacrifié les nacelles pour enrayer l’effroyable chute.

La manœuvre les sauva. Ils atterrirent, un peu rudement sans doute, mais sans péril pour leur existence.

Un instant plus tard, le Gross se posait à son tour sur la terre, et les enveloppes se dégonflaient peu à peu par de larges déchirures ouvertes à leur partie supérieure.

Il y eut une ruée furieuse du public. Hommes, femmes, enfants, pris d’une sorte de délire, forcèrent les barrages de soldats, se précipitèrent dans une foulée éperdue vers les points où gisaient les aérostats.

De la tribune impériale, des aides de camp s’élancèrent à leur tour. Le Maître voulait savoir, lui aussi, la cause du désastre qui changeait cette journée de triomphe en journée de deuil.

L’un de ces envoyés, lieutenant naguère aux grenadiers poméraniens, enrôlé dans la garde à raison de sa stature gigantesque, parvint à se frayer un passage.

Il s’approcha du comte Zeppelin, l’ingénieur laborieux et tenace qui, en cette séance mémorable, avait voulu diriger lui-même le ballon dont il était l’inventeur.

Le Comte se tenait immobile, l’œil fixe, devant son aérostat achevant de se dégonfler. De grosses larmes roulaient lentement sur ses joues. L’inventeur a une âme de père pour l’œuvre qu’il a créée. Von Zeppelin pleurait la perte de son dirigeable.

Si impressionnante était cette douleur muette que l’aide de camp l’Empereur attendait une réponse. Et l’officier murmura, s’inclinant comme si le salut militaire lui avait paru insuffisant devant l’homme si cruellement frappé dans son œuvre :

— Herr Comte, Sa Majesté m’envoie vous dire la part qu’il prend à l’accident dont vous êtes victime, et vous demander comment il s’est produit.

L’interpellé eut un geste avouant son ignorance. Ses yeux fouillèrent un instant le ciel, puis il répéta son geste découragé.

Que cherche-t-il au ciel ? Ce ciel est beau, de ce bleu pâle qui, par un temps clair, donne un charme si particulier aux paysages allemands. Les curieux, qui se sont figés sur place à l’apparition de l’aide de camp, ont levé le nez en l’air en même temps que le Comte. Mais ils ont beau interroger l’azur transparent, ils ne distinguent rien qui ait pu motiver la chute du ballon.