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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/220

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Mais ses jarrets se détendent. Il saute de côté ainsi que l’en a prié son interlocuteur. Et puis un juron gronde dans sa gorge. Ses bras ont un geste d’appel vers les gendarmes. Ceux-ci font mine de se précipiter vers leur chef.

Le mouvement commencé s’interrompt. Tous regardent stupéfaits, les yeux agrandis par la surprise, les pieds cloués au sol. Le hauptmann danse.

Parfaitement ! L’officier se livre à une gigue dont l’allure s’accélère d’instant en instant. Il saute, bondit, gambade. Et entre les boutons métalliques de son uniforme, ses galons, ses pattes d’épaules, son sabre, ses éperons, des étincelles bleuâtres s’allument, s’éteignent dans un incessant crépitement.

Rouge, congestionné, haletant, les yeux semblant prêts à jaillir de leurs orbites, le pauvre diable se livre à une gymnastique effrénée et incompréhensible. D’une voix rauque, il parvient à hurler :

— Tirez donc Feu ! Feu ! sur cette voiture du diable !

En militaires d’élite, rompus à la discipline, les gendarmes veulent obéir. Les mousquetons sonnent sur les mains crispées. Tous essaient d’épauler.

Mais à leur tour, ils sont pris par une inexplicable frénésie de danse. Le phénomène gambadeur se généralise, et aussi la production des étincelles aux reflets bleuâtres.

Les soldats entrent en gigue. Les jambes se livrent à des contorsions désordonnées, les bras s’agitent en effarants moulinets. Puis les armes s’auréolent d’étincelles, brûlant les doigts des infortunés totalement affolés. Ils les lâchent, les jettent loin d’eux. Geste inutile. Une farandole d’éclairs serpente autour des danseurs involontaires.

Et cela gagne le reste du contingent. Les chevaux eux-mêmes sont envahis par la furie chorégraphique. Ils se cabrent, arrachant les piquets auxquels ils sont entravés.

C’est une scène de folie. Les hennissements, les cris, les vociférations se croisent, se mêlent, se confondent. Des mousquetons, laissés en faisceaux, rayonnent des gerbes d’éclairs.

Les escadrons exécutent une sarabande infernale. Ils se choquent, se heurtent, se renversent, en proie à une terreur panique. Ils veulent fuir et ils ne le peuvent pas.

Et comme tous, suffoqués, hors d’haleine, les tempes bourdonnantes, les yeux se couvrant d’un voile, ont l’impression qu’ils vont perdre connaissance, brusquement un mugissement passe dans l’air, assourdissant comme