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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/226

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

dans une forteresse, et je comblerais Von Karch d’honneurs ; quand on veut avoir des serviteurs dévoués, on agit comme cela, et pas autrement. Voilà comme je suis, moi.

On eût cru que cette profession de foi, sinon très morale, du moins très allemande, avait déchaîné la verve des assistants.

— C’est évident, on n’arrive à rien si l’on n’a pas le courage de son opinion.

— En voulant ménager la chèvre et le chou, on n’arrive qu’au ridicule.

— Pis que cela, au discrédit. Et le discrédit d’un gouvernement se traduit toujours par un ralentissement des affaires.

— Gare d’Anhalt Berlin !

Ce cri, lancé par les employés du train, fit se lever tous les voyageurs. Le train venait de stopper dans la station berlinoise d’Anhalt.

Le fermier, avec une vivacité que l’on n’eût pas attendue de sa corpulence, sauta sur le quai, et, d’un pas rapide, gagna la sortie. Dans la rue Bamburger, il se prit à courir, parcourant ainsi les cinq cents mètres qui séparent les gares dites d’Anhalt et de Postdam, et s’engouffra dans cette dernière en coup de vent.

Il avait bien fait de se presser, car il eut tout juste le temps d’arriver au quai où stationnait un train sur Postdam. Le convoi démarrait au moment où, essoufflé, hors d’haleine, il bondit dans un compartiment de seconde classe.

— Il était temps, grommela-t-il.

Puis il se laissa choir sur la banquette, en exhalant un « ouf » retentissant qui fit sursauter deux voyageurs déjà installés.

Mais il ne devait pas les préoccuper davantage. Il s’était accoté dans un coin et semblait sommeiller, ouvrant les yeux seulement, lorsque l’on stoppait à une station.

L’excitation qui avait dicté ses discours entre Grossbeeren et Anhalt, était tombée sans doute. À présent, il apparaissait, calme, paisible, et préoccupé, seulement d’arriver à destination.

Le train roulait, marquant l’arrêt normal à Schœneberg, Friednau, Lichtenfelde, célèbre par son école de Cadets, Zehlendorf, etc. Le fermier ne bougeait pas. Tout à coup le cri d’un chef de train l’arracha à sa quiétude :

— Neu Babelsberg, avait clamé l’agent courant le long de la file des voitures.

D’un bond, le voyageur fut debout.

— J’allais passer la gare, grommela-t-il. Ah bien ! ç’aurait été malin !