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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/280

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MISS VEUVE.

Si le regret de la patrie absente n’était pas une douleur, ils pourraient considérer l’aube qui se lève sur Weeneborg comme l’aurore du bonheur.

Cependant, par défiance des espions qui pullulent sur toutes les frontières, le fermier Danerik a demandé à ne recevoir ses nouveaux hôtes que dans une huitaine de jours.

Il emploiera la semaine à répandre le bruit qu’il attend un cousin et ses fillettes, naguère colons de l’Islande, terre danoise, que leur santé oblige à rechercher le climat plus clément du Jutland.

Le doktor a consenti. Il a gardé les Polonais à son bord. Et la nuit venue, l’aéroplane s’est élancé vers Berlin, ayant pour objectif le palais impérial, que le vengeur de François de l’Étoile quitte à cette heure.

Maintenant, tout en dépeignant à ses auditeurs l’accueil si chevaleresque du souverain, Miss Veuve a remis l’appareil en marche. Le flamboiement des milliers de lumières de Berlin s’éteint en arrière. L’engin plane à présent sur la campagne invisible sous le voile des ténèbres.

— Où allons-nous ? questionne timidement Suzan…

— À Babelsberg.

— Vous voulez, cette nuit même ?

— Me trouver en face de Von Karch, de cet ex-comte de Kremern qui a déshonoré François, qui a lâchement assassiné lord Fairtime et ses enfants.

Une douleur vengeresse sonne dans ces paroles. Le visage du doktor se contracte, exprimant l’angoisse surhumaine que les artistes croyants du moyen âge ont fixé sur les figures des damnés. Et tous restent silencieux, dominés par la pensée tragique que la vengeance, si longtemps retardée, est en marche.