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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/283

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

semble l’étonner. Il indique un siège au visiteur, et affectant la courtoisie :

— Vous pouvez parler, Herr Doktor, je suis tout oreilles.

L’interpellé s’inclina, s’assit, puis tirant de sa poche un petit rouleau cylindrique, dont l’enveloppe semblait formée d’un carton brunâtre, il reprit d’un ton légèrement hésitant :

— Je désirerais vous entretenir seul à seul.

Mais Von Karch riposte par un geste impatient.

— Ma fille Margarèthe et moi ne faisons qu’un en deux personnes. Son Excellence le chancelier le sait. Il a proclamé lui-même l’admirable union familiale qui règne dans ma maison.

L’ironie qui vibre dans cette déclaration, est si légère que l’interlocuteur de l’Allemand ne la perçoit pas. Il continue à faire tourner entre ses doigts le petit cylindre extrait de sa poche, et dans lequel il est aisé de reconnaître le terrible radiateur d’ondes hertziennes, dont il expliqua naguère les propriétés foudroyantes à bord de l’aéroplane, puis le montrant à l’espion :

— Ceci, Herr Von Karch, est une arme terrible que je vous présente. C’est un radiateur d’ondes hertziennes, déterminant la production d’étincelles foudroyantes entre les surfaces métalliques qu’elles rencontrent. Qu’il me plaise d’actionner un contact, et vous êtes foudroyé, car je constate que vous sacrifiez à la parure. Vous portez montre, chaîne, bagues, épingle de cravate, sans compter vraisemblablement quelques clefs et menue monnaie en poche. Ce sont là objets métalliques suffisants. Je puis déchaîner la foudre. Donc, vous êtes à ma merci, M. le comte de Kremern !

Un double cri ponctue la phrase inattendue, tombant comme un obus dans la sécurité des habitants du blockhaus. Margarèthe se voile la figure de ses mains. L’espion la regarde et murmure :

— Qui donc a pu révéler… ?

— Un homme qui pleure son frère mort par vous.

Et comme Listcheü s’est tourné vers la jeune femme, Von Karch profite de son inattention pour extraire doucement de la poche de son veston d’appartement, l’étui noir, le lance-embolie dont il avait osé menacer le chancelier.

— Pour vous faire comprendre toute la gravité de mes paroles, reprend le visiteur, je crois bon, vous ayant prouvé que votre identité n’a plus de secrets pour moi, de vous apprendre la mienne.

— La vôtre ? Listcheü serait-il aussi un déguisement ?

— Oui, comte Kremern ; on m’appelle encore Miss Veuve !

Von Karch ne sourcilla pas. Sa fille se dressa en un mouvement éperdu, mais elle demeura muette, les yeux fixés sur son père. Celui-ci venait de dé-