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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/322

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

C’est sur le cadre que le brave enfant s’était laissé tomber. S’il ne réussissait pas à s’y accrocher au vol, il serait happé par les pales de l’hélice, roulé dans le remous, broyé.

Mais la véritable raison du succès est le sang-froid. Tril avait bien calculé sa chute. Un instant après, il se trouvait à califourchon sur le cadre de l’hélice, puis il s’allongeait sur la tranche et par gradations insensibles, il se laissait glisser le long de la pente du gouvernail dont l’extrémité inférieure plongeait sous les eaux.

Maintenant, les doigts crispés sur le relief d’un croisillon de renforcement de la plaque du gouvernail, il était porté par le flot tumultueux que chassait le mouvement giratoire de l’hélice.

Dans le mugissement de l’eau, il entendit les paroles de l’espion ordonnant de visiter le canot. Il assista à la déconvenue du misérable. Il obtint la certitude que, désormais, la petite embarcation constituerait la plus sûre cachette du bateau à vapeur.

Et ma foi, il songea à y reprendre place pendant qu’équipage et passagers perdraient leur temps à fouiller inutilement le pont, l’entre-pont, la cale et la machine.

Mais remonter le long de la tranche du gouvernail était beaucoup plus difficile que descendre, d’autant plus que cet organe mobile exécutait continuellement des embardées à droite ou à gauche.

Vingt fois, le gamin faillit être précipité. Enfin, exténué, les yeux troubles, le crâne empli de bourdonnements, il se retrouva à cheval sur la solive plane dominant l’hélice.

Quelques instants plus tard, il réintégrait son canot, sur lequel il tendait soigneusement la bâche de couverture, et transi, grelottant, à bout de forces, il s’allongeait sur le fond avec l’impression que tout nouvel effort lui serait impossible.

Quand, bien longtemps après, Von Karch et ses acolytes réapparurent sur le pont, affolés de colère et d’anxiété, lançant dans la nuit des menaces, des insultes à l’adresse de leur insaisissable ennemi, le petit ne les entendit même pas ; il dormait profondément.

Le balancement régulier de la houle le tira de sa torpeur. Il ouvrit les yeux. À travers la toile du prélart filtrait une clarté tiède.

Il faisait jour, le soleil brillait, et le steamer poursuivait sa navigation. Le tangage du léger navire fit comprendre au gamin la raison de ce fait insolite.

— Nous sommes sortis de l’Elbe, se dit-il. Nous flottons sur les vagues