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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/353

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LE LIT DE DIAMANTS.

Seize jours ont passé. Édith bouleversée par l’horrible révélation de l’espion a failli mourir. Une fièvre ardente l’a saisie. Durant des jours, des nuits, son père, ses frères, Margarèthe, se sont remplacés à son chevet, veillant inlassablement sur la malheureuse enfant, écoutant la voix tragique de son délire.

Ils l’ont arrachée à la mort, aidés d’ailleurs par le médecin du bord, à qui l’espion a prescrit de n’épargner rien pour guérir Édith.

L’Allemand s’intéressait à la vie de la jeune fille parce que cette existence était un facteur important de la réussite de ses combinaisons !

Ce jour-là, le Fraulein, ayant heureusement effectué la traversée de l’Atlantique, faisait escale à la Havane, dans cette merveilleuse île de Cuba, que les États-Unis ont enlevée à l’Espagne.

Les soutes au charbon étaient vides, et il fallait embarquer les quelques tonnes de combustible nécessaires pour achever le voyage.

Von Karch, avec la sollicitude du bourreau qui tient à ménager sa victime afin de prolonger son supplice, avait autorisé Édith à se promener sur le pont, étant entendu qu’elle ne dépasserait pas la passerelle. De la sorte, elle ne pouvait se trouver en contact avec les porte-faix occupés au remplissage des soutes.

Siemens, complètement remis de sa blessure, et Pétunig, toujours gouailleur, surveillaient la jeune fille, non sans l’avoir charitablement avertie qu’à la moindre tentative d’appel au secours, ils la devraient réintégrer dans sa cabine. Et comme elle avait semblé peu impressionnée par cette menace, Pétunig avait ajouté négligemment :

— Oh ! le maître a pris ses mesures. Les autorités de la Havane savent que nous avons à bord deux folles !

Partout, en toutes circonstances, la fourberie de l’espion était donc en éveil. Folle, les cris de la captive n’amèneraient sur les lèvres des passants que des sourires apitoyés. Mais Pétunig avait dit :

— Deux folles.

Qui donc était l’autre ? Comme pour répondre à la question, Margarèthe parut, se dirigeant vers l’arrière du navire ; elle portait un pliant qu’elle établit, à côté du rocking, dont l’oscillation berçait la triste rêverie de la jeune fille, et à voix basse elle murmura :

— On m’a permis de venir près de vous.

— Vous êtes bonne, Margarèthe, vous veillez sur moi comme une sœur.

Édith s’arrêta, son interlocutrice avait pâli brusquement ; elle semblait