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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/75

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LE VOLEUR DE PENSÉE.

tout naturellement, par le fait seul que leurs regards s’étaient croisés, ils avaient échangé le trésor jusque-là sans emploi au fond de leurs âmes : le trésor de l’affection.

— Encore cette vagabonde, grommela Kopling Bilbard.

Mais Joé lui lança un regard courroucé :

— Vous aimez que l’on vous respecte, vous qui ne manquez de rien. Tâchez donc de respecter Ketty, qui manque de tout.


Mon bouquet quotidien, je vous prie.

Et après un geste dont la dignité en imposa au vieux militaire, le gamin marcha vers la bouquetière. De sa poche, il avait tiré deux pence (0 fr. 20).

Il les déposa sur l’éventaire, soulignant le mouvement par ces mots prononcés avec toute l’autorité d’un client important :

— Mon bouquet de violettes quotidien, je vous prie.

Il se servit lui-même, puis, le petit bouquet piqué tant bien que mal à sa boutonnière, il prit dans les siennes la main de la marchande.

— Eh bien, Ketty ?

La petite haussa tristement ses épaules maigres.

— Toujours la même chose. Chaque jour un peu plus mauvais que la veille, dans l’attente d’un lendemain pire.

— Alors, le propriétaire ?

— M’expulsera demain si je n’ai pas payé les sept shillings (8 fr. 75) que je dois pour ma chambre.

Comme pour s’excuser, elle ajouta :

— Ce n’est pas ma faute, les fleurs sont chères, je ne gagne presque rien. Quand Jane vivait, on était deux, on arrivait, mais ma sœur est morte, un mauvais rhume, et, toute seule, je ne peux plus.

Il l’interrompit, lui tapotant la main.

— Toujours dans Chipley-Street ?

— Oui, jusqu’à demain.

— Pour plus longtemps, j’espère. J’hésitais ; mais maintenant, j’oserai, pour vous, Ketty. Je demanderai à la jeune lady Fairtime. Ah ! elle a ses