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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/92

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

Personne ne répond.

Von Karch et Margarèthe ont la tête renversée sur le dossier de leurs sièges. Leurs yeux sont clos. Une respiration égale bruit entre leurs lèvres entr’ouvertes. Ils dorment.

Et Tril ne manifeste aucun étonnement. Il a un sourire narquois ; il murmure :

— Eh ! Eh ! un peu d’opium dans une pinte d’ale, et David n’a plus besoin de fronde pour abattre Goliath…

Il ajoute en désignant la belle Allemande :

— Goliath et… Dalila.

Puis il vient à pas de loup auprès de Von Karch, fouille en ses poches, tout en monologuant :

— Cet individu est l’artisan du malheur de sir François de l’Étoile. Le Roi avait bien jugé. Tâchons de passer du doute à la certitude.

Ni la montre, ni le porte-monnaie de Von Karch n’attirèrent l’attention de Tril.

Le gamin ne s’occupait que des papiers enfermés dans les poches de l’Allemand : trois lettres sans importance, quelques factures et un petit carnet à la couverture de cuir rougeâtre, dont le ton passé indiquait un long usage.

Le jeune Américain sépara ce carnet des autres pièces avec un geste joyeux, mais quand il le feuilleta, sa figure s’assombrit.

— Du papier blanc ! murmura-t-il. Pas une note, pas une inscription. Voilà qui est fort !

Et, secouant la tête :

— Pourtant, ce carnet est usé… L’Allemand le porte habituellement sur lui. C’est un homme trop pratique pour garder indéfiniment en poche un objet sans utilité.

Puis une réflexion intérieure amenant le sourire sur ses lèvres.

— Le Roi a toujours raison ! Or, que dit-il ? Ceci : « L’homme qui a à tracer des caractères devant rester secrets, emploie soit une écriture conventionnelle, soit une encre sympathique invisible ; soit enfin les deux moyens. » Si c’est une encre sympathique, nous allons bien voir.

On le sait, les encres sympathiques sont des produits chimiques spéciaux ou plus simplement du jus de citron, d’oignon, etc. La plume trempée dans ces liquides court sur le papier, inscrit ce que l’on désire conserver, et les caractères demeurent invisibles, jusqu’au jour où la feuille étant exposée au rayonnement d’un feu vif, ils se marquent en noir, gris ou roux.