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Page:Ivoi - L’Aéroplane fantôme.djvu/96

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L’AÉROPLANE-FANTÔME

— À peine dix heures ; leur train est à onze. Bah ! Comme ceci, je suis sûr de ne pas les manquer.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

À cette même heure, François de l’Étoile réfléchissait profondément.

Dans la cellule de Newgate, meublée d’un lit de fer, d’une tablette mobile, fixée au mur par des charnières et servant de table, de deux escabeaux rustiques, il se tenait assis, absorbé.

Sur la tablette, le sachet à lui remis dans l’après-midi par Tril, sorte de petite pochette de soie noire, sans aucune broderie. Auprès, une feuille de papier pelure sur laquelle s’alignaient les caractères décidés d’une « cursive » un peu grosse, dans laquelle un graphologue eût deviné à première vue, les « dominantes » de la résolution et de la franchise.

Puis, enfin, un de ces petits « paquets » dans lesquels les pharmaciens « chemists » en Angleterre, dosent leurs poudres.

Une poudre multicolore formait un monceau minuscule sur le papier. On eût dit de la poussière de confettis.

Et François considérait alternativement la lettre et la substance pulvérisée.

Après un moment, il reprit la missive ; à mi-voix, il la relut. Elle portait ceci :

« À sir François de l’Étoile, Engineer.

------ « Monsieur,

Qui je suis ? c’est la première question à laquelle votre esprit s’arrêtera, et je pense juste d’y répondre.

Mon nom, Jud Allan, ne vous dira rien ; mon titre, roi des lads, ne vous instruira pas davantage. Pour que vous me connaissiez un peu, je me vois obligé à une sorte d’autobiographie. Je m’exécute d’ailleurs volontiers, car je souhaite gagner votre confiance.

Abandonné, avant que mon cerveau pût avoir conscience de la signification tragique du mot abandon, j’ai grandi au hasard, étudiant de visu la condition misérable de l’enfant privé de l’appui de la famille. La honte, le crime, la misère, s’abattant sur les pauvres êtres.

J’eus l’ardent désir de les arracher à leur détresse. Un heureux concours de circonstances me permit de réaliser ce rêve. Aujourd’hui, les pauvres boys errants, les tristes girls sans foyer, forment le plus puissant syndicat des États-Unis. Le syndicat des « petits », comme on dit là-bas. Grâce à leurs ressources, à leur entente, ils s’assurent des emplois où ils sont traités convenablement, rémunérés de façon suffisante.