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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/130

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CHAPITRE XIV

Ni empereur… ni roi… France d’abord


À deux cents mètres à peine de la route de Saint-Dizier à Vitry, sur une petite éminence à pentes douces, se dressait le château de Rochegaule. C’était une vaste habitation Louis XIII, briques et pierre, composée d’un bâtiment principal et de deux ailes en retour, couronnés de hauts toits d’ardoises. Un parc de quelques hectares l’entourait, descendant d’un côté jusqu’à la route, s’étendant de l’autre jusqu’à la lisière de la forêt dont les taillis se prolongent au delà d’Ancerville.

Du castel, on avait une vue admirable sur la vallée. On distinguait les villages de Perthes, d’Orconte, le château du Plessis, Thièblemont. Le ruisseau d’Orconte, aux sinuosités incessantes, était visible jusqu’à son confluent avec la Marne, au delà de laquelle s’étendait la plaine où coule doucement la rivière Blaise, et que bornent les massifs sombres de la forêt du Der, ainsi que les coteaux aux croupes arrondies, jetés en chaînon de Châlons-sur-Marne à Montiérender.

Une avenue bordée de grands tilleuls montait de la route au château, aboutissant à un large espace, laissé libre devant le perron-terrasse, surélevé de trois degrés et que bordait une rampe de fer forgé.

Auprès de la grille d’entrée, un pavillon de briques, coquet et riant, servait de demeure à la gardienne, femme d’une quarantaine d’années, Marion Pandin, petite, potelée et jolie, malgré les meurtrissures bleuâtres encerclant ses yeux comme pour dire à tous :

— Cette personne affable, à qui la nature a donné la santé, la gentillesse, n’a pu se dérober au malheur. Un chagrin inconsolable veille en elle, elle pleure quand nul ne peut la voir.

Or, vers 8 heures et quart, ce soir-là, Marion ouvrit la grille à un cavalier qui appelait du dehors.

— Quoi, c’est vous, Monsieur le capitaine, s’écria-t-elle ?