Aller au contenu

Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme un fou, ce jeune garçon de son âge, qui osait se dire l’ennemi de d’Artin.

— Allons, réponds donc. Tu as vraiment, trop peur de ton pseudo-frère.

— Ah ! si vous le connaissiez, murmura le fils de Marion, s’abandonnant peu à peu à la confiance.

— Je le connais… À notre première rencontre je lui ai dit son fait.

— Vous ?

— Parfaitement. Que veux-tu ? Tu as l’habitude de trembler ; moi, on ne m’a pas enseigné cela.

— Ah ! vous êtes bien heureux, fit Henry avec conviction.

— Mais, trêve de paroles inutiles… Tu n’aimes pas d’Artin ?

— Oh non !

— Tu le crains ?

— Vous le comprendrez quand je vous aurai raconté…

— Plus tard ! Plus tard ! Allons au plus pressé… Veux-tu m’obéir.

En faisant cette question, Espérat sembla grandir. Dans ses regards ardents, sur ses traits juvéniles, éclatait une telle résolution, que Mirel oublia ses craintes et se donnant à ce jeune chef qui se dévoilait à lui :

— Oui, commandez.

— Parfait ! Alors réponds à mes questions. Où est d’Artin ?

— Aux ruines de l’Abbaye, avec les prisonniers.

— Pourquoi les a-t-il conduits là ?

— Pour les remettre à des gens…, j’ignore lesquels.

— Il faut le savoir, partons.

Et déjà Milhuitcent allait à la fenêtre. Il s’arrêta en voyant que son compagnon ne le suivait pas.

— N’aie pas peur, j’ai le mot de passe : Roschkia… C’est un émigré, officier dans l’armée russe, M. de Lamartine, qui me l’a donné.

Mirel hocha la tête :

— Lamartine… je l’ai vu… ; un vrai gentilhomme celui-là… Accouru d’Italie, où tout le monde le croit encore, il s’est engagé parmi les Russes. Avec M. de Rochechouart, aide de camp de l’Empereur Alexandre, il tâche d’obtenir que la France soit épargnée, que les colères de l’Europe ne frappent que Napoléon, Napoléon qu’il hait, qu’il considère comme un fléau…

Sévèrement Espérat l’interrompit :

— Et moi j’aime Napoléon de toute mon âme… C’est pour le servir que je suis ici…, et je veux que tu l’aimes…