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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/23

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travail, était ce jour-là silencieuse et morne. Rien n’est triste comme un logis d’enfants, quand les enfants sont absents. Espérat se sentit secoué par un frisson devant l’école muette, et sa main se posa avec une sorte d’hésitation sur la poignée de fer dont le mouvement circulaire soulevait le loquet.

L’huis s’ouvrit sur le couloir au carrelage rouge, aux murs blanchis à la chaux, fermé à l’extrémité opposée par une porte vitrée, au delà de laquelle s’apercevaient la cour de récréation et le jardinet de M. Tercelin.

Le gamin n’accorda pas un coup d’œil à ces choses familières. À deux pas, adossée au mur, essuyant ses yeux gonflés de larmes du coin de son tablier à damier, Emmie, la petite Anglaise, se tenait debout, dans une attitude désolée et boudeuse.

— Emmie, s’écria-t-il bouleversé en la voyant ainsi.

La fillette tressaillit, leva la tête et tendant ses mains vers le nouveau venu :

— Vous, ami de moi, gémit-elle… oh ! Emmie a un chagrin très énorme.

— Du chagrin, petite Mie, du chagrin, il ne faut pas… Fais-moi une risette, je t’apporte du raisiné.

Et il brandissait triomphalement le pot de faïence.

Mais elle, avec ce flegme britannique dont les gens de sa nation s’enveloppent dès le berceau :

— Vous êtes bon, ami de moi ; mais j’ai fait à vous la prière de ne pas tutoyer. Cela est non convenable… cela est pas reçu en Angleterre.

Il accepta la mercuriale d’un air soumis, habitué à céder à la mignonne si jolie avec sa taille svelte, son teint blanc et rose, ses yeux bleus, ses blonds cheveux bouclés. Bien plus, il s’excusa :

— Je sais, j’ai eu tort, Mie, il ne faut pas