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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/254

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Et pour restaurer la royauté, on lui imprimait la tache ineffaçable, formée du sang des héros morts pour la défense du territoire.

Aussi, dans le pays, ne parlait-on qu’avec terreur du trou au fumier de la ferme Éclotte.

On l’appelait : Le Trou. À ces mots redoutés, les femmes se signaient, les hommes secouaient tristement la tête.

C’est là, dans le couloir du Trou, qu’Espérat et Bobèche avaient été conduits par d’Artin.

Le pope, fatigué de n’avoir pu boire durant la parade, s’en était allé rattraper le temps perdu à l’hôtellerie du Cheval Blanc, où les jeunes gens le rejoindraient plus tard.

Quant aux commissaires du Congrès, rassemblés au centre de la cour, ils regardaient le groupe formé par le vicomte et les « comédiens ».

D’Artin parlait.

Ses paroles n’arrivaient pas jusqu’aux curieux, mais l’éclat de ses yeux, la cruauté empreinte sur ses traits, disaient qu’il allait se passer une scène émouvante.

Bobèche l’écoutait, la tête penchée, les mains dans les poches. Quant à Espérat, il s’était adossé à la porte du verger et demeurait aussi immobile qu’une statue.

Tout à coup, d’Artin fit entendre un sifflement prolongé.

À ce signal, douze fantassins autrichiens en armes sortirent des communs. Un sous-officier les conduisait.

Les spectateurs frissonnèrent.

Dans cette petite troupe ils avaient reconnu un peloton d’exécution. Qui donc allait être fusillé ?

Comme pour répondre à cette anxieuse question, la porte du bâtiment d’habitation tourna sur ses gonds.

Entre plusieurs soldats, baïonnette au canon, deux hommes, deux prisonniers, marchaient.

L’un portait un habit élimé, usé, poussiéreux, la culotte de ratine, les bas noirs et les souliers à grosses boucles ; l’autre était revêtu de la soutane des prêtres.

Il y eut un cri poussé par Espérat.

Dans ces hommes qui allaient mourir, le jeune garçon venait de reconnaître son père adoptif, M. Tercelin, et son maître, l’abbé Vaneur.

Les patriotes, le laïque et l’ecclésiastique avaient été jetés aux mains de l’ennemi.

Oh ! ç’avait été une heure néfaste.