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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/279

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CHAPITRE X

Le Plan qui devait délivrer la France.


Au jour, Espérat et Bobèche, frais et dispos, montèrent à cheval et sortirent de Troyes. Laissant la Seine derrière eux, ils piquèrent vers l’Aube, franchirent cette rivière, à Arcis, et parvinrent au crépuscule au petit village d’Herbisse.

Des habitants interrogés leur apprirent que Napoléon et son état-major avaient passé la nuit chez le curé de l’agglomération.

Les voyageurs s’y rendirent ; de même que l’Empereur ils trouvèrent un hôte aimable, un souper frugal mais offert de bon cœur.

L’ecclésiastique leur montra une chaise de paille, soigneusement recouverte d’une housse.

— C’est sur ce siège que l’Empereur a passé la nuit, dit-il. Il s’était mis à cheval, les bras repliés sur le dossier, le front appuyé sur les bras. Dormait-il, ou bien sa pensée évoquait-elle les batailles prochaines, je l’ignore. Ce qu’il y a de certain, c’est que désormais ce siège est sacré, que nul ne s’y reposera, et que je le garderai toujours.

Le cœur d’Espérat battait en entendant ces paroles qui répondaient si bien à sa tendresse passionnée pour le grand capitaine, de qui nul conquérant ne fut l’égal.

Tout son être palpitait. Dans la petite salle aux murs blanchis à la chaux, ornés de quelques images de sainteté, l’Empereur avait respiré ; sur cette chaise, il avait reposé ; sur cette table de bois, sur des bottes de paille jetées à même le plancher, son état-major avait dormi.

Et le jeune homme se représentait, dans la teinte grise du matin, ces officiers étendus, immobiles, autour de Napoléon, seul dressé sur son siège, comme le maître infatigable qui, même durant le repos, conserve l’altitude de l’action.

Milhuitcent voulut passer la nuit dans cette pièce. À l’aube, sur les