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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/286

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— Un factionnaire prussien, murmura Bobèche.

— Ils ont des postes le long de la rivière.

Kommen Sie näher (approchez-vous davantage), ordonna l’Allemand.

Mais les jeunes gens, après s’être concertés du regard, firent volter leurs montures, et leur labourant les flancs de leurs éperons, s’élancèrent à toute bride dans la direction de Braisnes d’où ils arrivaient un instant auparavant.

Un coup de feu répondit à ce mouvement, une balle siffla aux oreilles de Milhuitcent.

— En avant ! en avant ! rugit le brave garçon ; gagnons Braisnes ; il y a un pont. Nous marcherons vers Soissons sur l’autre rive…

Mais des hennissements résonnèrent dans la nuit ; en se retournant, les fugitifs aperçurent des silhouettes sombres qui se mouvaient avec rapidité dans leurs traces.

Le coup de fusil de l’actionnaire avait attiré tout le détachement dont il faisait partie ; les jeunes gens étaient pourchassés par un escadron de dragons prussiens.

— Bah ! plaisanta Milhuitcent, nos chevaux sont bons… Un temps de galop nous réchauffera.

Il n’acheva pas. Les poursuivants opéraient une manœuvre qui le déconcerta.

Ils se déployaient en fourrageurs. La route fait un coude brusque en cet endroit, car elle épouse la forme du confluent des deux rivières ; les cavaliers les plus éloignés de l’Aisne devaient donc certainement couper le chemin aux fugitifs.

— Allons, soupira le pitre, va pour la bataille.

Mais Espérat l’interrompit :

— Pas de lutte.

— Tu veux te rendre ?

— Me rendre !… Un éclair étincela dans les yeux du gamin — à tout autre moment, Bobèche, je te sauterais à la gorge,… mais nous n’avons pas le droit de combattre. L’Empereur nous a ordonné de gagner Soissons.

— Parfaitement,… seulement le chemin est occupé…

— Non.

— Non ?

Espérât agit sur les rênes, et, dirigeant sa monture vers la berge :

— À la rivière, dit-il.