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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/302

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— Est-ce possible ?

— À ce point que la capitulation serait signée dès maintenant, si je n’avais craint, par trop de précipitation, de lui laisser entrevoir l’importance que nous attachons à la possession de Soissons.

— Ah !

— Je lui ai seulement offert de se retirer ainsi que ses soldats avec serment de ne plus servir pendant cette guerre.

— Et il ne vous a pas fait jeter à la porte ?

— Il m’a supplié de lui permettre d’évacuer la place sans conditions.

Wintzingerode leva les bras au ciel en éclatant de rire :

— Cela est incroyable ; … c’est d’un fou.

— Possible, ricana Bulow.

— Et ?…

— Je me suis retiré en l’invitant à réfléchir et à me faire connaître le résultat de ses réflexions sans tarder, car sans cela, dès l’aube, nous attaquerions et passerions tout au fil de l’épée.

Les généraux alliés se livraient aux dépens de leur incapable adversaire aux plus sanglantes plaisanteries, quand un officier avertit Bulow qu’un parlementaire venant de la ville, demandait à l’entretenir.

Du coup Wintzingerode se laissa choir sur un siège.

— Déjà, dit-il, véritablement stupéfié par la démence du général français ?

Bulow haussa les épaules :

— Il est terrifié, vus dis-je ; au reste, vous partagerez mon avis. Recevons l’envoyé de cette brave ganache.

Le parlementaire, un jeune officier dont la voix tremblait de colère et de douleur, apportait les supplications du général Moreau.

— Plaise à MM. les Commandants ennemis de songer qu’une troupe aussi faible que la garnison de Soissons ne saurait devenir un facteur important dans la campagne en cours. Pourquoi dès lors infliger à un vieux soldat la honte d’une capitulation déshonorante. En égard à sa longue carrière, il demande les honneurs de la guerre, la permission de se retirer avec armes et bagages.

Bulow répondit :

— Qu’il emporte ses fusils, mais ses canons doivent nous rester.

Toute la nuit ce fut un chasse-croisé de parlementaires. Enfin le comte Woronzoff, au service de la Russie, dit vers le matin au général Bulow :

— Excellence, vous avez assez joué avec la souris, prenez garde qu’elle ne s’échappe. Laissez Moreau emmener ses canons, donnez lui-même