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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/314

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Puis le vacarme redouble.

Les troupes de Blücher, divisées en trois colonnes, dont deux ont contourné les murailles, tandis que la dernière se frayait une route à travers les rues de Soissons,… les troupes de Blücher franchissent le pont jeté sur l’Aisne.

Il faut leur donner le temps de gagner l’autre rive. Une division se sacrifie pour le salut du plus grand nombre. Elle occupe les retranchements et engage un combat meurtrier avec l’avant-garde de Napoléon qui veut reprendre la cité.

On dirait être au centre d’un orage furieux. Les boulets ricochent à l’angle des maisons, trouant les murs, abattant les toitures.

Ah ! ah ! ces lâches individus qui ont trouvé naturelle, raisonnable, la capitulation, doivent faire de singulières réflexions à cette heure. L’assaut de Bulow, de Wintzingerode n’aurait pas eu de résultats plus funestes que celui des troupes françaises, obligées par quelques couards à emporter une place forte au soir d’une victoire en rase campagne.

Pleurez, lâches ! Pleurez, égoïstes ! Pleurez, fourmis économes, en qui un sac d’écus tient la place du cœur… Vous avez perdu la France, et vous n’avez pas sauvé pour cela vos infimes bicoques !

— En avant ! En avant !

Ce cri français éclate en fanfare dans les rues ensanglantées. Les grenadiers de la garde sont là.

Au pas de charge, ils chassent devant eux les derniers Prussiens affolés… Les voici sur cette place où tantôt Kozynski pleurait.

— En avant ! En avant !

— Camarades… délivrez-nous, répondent des voix brisées.

C’est Espérat, c’est Bobèche qui appellent.

Des soldats viennent au soupirail, interrogent. D’autres enfoncent les portes closes du logis, ouvrent celles des caves.

Les prisonniers sont libres.

— Où est l’Empereur ? tels sont leurs premiers mots.

— À la porte de Château-Thierry, il nous suit.

— Bien, merci.

Et, laissant leurs libérateurs, les deux jeunes gens se précipitèrent vers l’endroit où ils pensaient rencontrer Napoléon.

Les soldats ne les avaient pas trompés.

L’Empereur était là, interrogeant, les sourcils froncés, le maire de la ville courbé en deux devant lui.

La nuit tombait. Des cuirassiers avaient allumé des torches et, sous