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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/343

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l’ombre pour ramasser l’honneur des Rochegaule et l’élever vers les cimes.

— Sœur, sœur, murmura Milhuitcent, ne vous accusez pas, je vous plains d’avoir tant souffert.

— Et il me plaint, continua-t-elle… il pardonne, lui qui est sans péché.

Mais soudain, l’organe railleur du vicomte se fit entendre :

— Joli roman, en vérité !… mais il conviendrait d’apporter quelques preuves.

Bobèche qui, un instant, avait oublié son prisonnier, revint vers lui le geste menaçant :

Espérat l’arrêta d’un signe :

— Ami, laisse parler cet homme. Il est juste que l’accusé puisse se défendre.

— Accusé, rugit d’Artin ;… qui donc ici osera m’accuser ?

— Moi. Et lentement Lucile s’approcha du vicomte. Il essaya de résister à l’angoisse que lui causait la vue de la jeune femme, de dominer celle-ci du regard ; mais devant ses prunelles flamboyantes, devant l’immobilité marmoréenne de ses traits, il trembla et ses paupières s’abaissèrent.

Elle se tenait maintenant devant lui.

— Moi, répéta-t-elle, moi… Mlle de Rochegaule, Lucile-Jeanne-Marie, que vous, fils aîné de la maison, héritier et dépositaire de la tradition de nos ancêtres, avez traîtreusement enlevée, jetée à la honte.

— Service du roi, fit-il les dents serrées.

— Service de votre seul égoïsme. Traître à votre patrie, félon à l’égard de votre famille, courtisan d’un roi que servent les armées étrangères et dont vous briguez les faveurs.

— Est-ce tout, gronda le vicomte essayant encore de braver son interlocutrice ?

— Non, répondit Henry en s’avançant à son tour…

Maintenu par la main nerveuse de Bobèche, d’Artin se tordit de rage :

— Toi, laquais, tu oses…

Le petit soldat pâlit, mais se remettant aussitôt :

— Merci de l’insulte, monsieur le vicomte, vous vous êtes trahi vous-même.

Et comme le gentilhomme se mordait les lèvres, le jeune garçon poursuivit :

— Toujours du reste, vous vous êtes trahi vous-même… Marion Pandin savait le passé, elle pouvait parler… Vous l’avez tuée…