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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/380

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modérés. Il n’en est pas de même de l’abbé de Pradt… un misérable.

— Oh oui ! interrompit Espérat…

Le jeune garçon s’arrêta, rougissant, mais Napoléon le couvrant d’un regard affectueux :

— Parle sans crainte… qu’a fait ce bon abbé de Pradt ?

— Ma foi, Sire, comme nous sortions du cabinet du prince de Talleyrand, de Pradt pérorait dans l’antichambre, et il s’exprimait sur le compte de Votre Majesté en termes tels que M. de Caulaincourt, furieux, voulut le corriger.

— Brave Caulaincourt !

— L’abbé s’enfuit dans l’escalier, tandis que les assistants s’interposaient, retenaient mon compagnon…

— Évitant une correction méritée au lâche qui déshonore l’habit ecclésiastique.

Mais Milhuitcent se prit à rire :

— Non, Sire, ils ne la lui ont pas évitée…

— Que veux-tu dire ?

— Que moi, à qui personne ne faisait attention, j’ai poursuivi le sieur de Pradt dans l’escalier et…

Le jeune homme balança le pied en un mouvement expressif, puis tranquillement :

— Vous pensez bien que je me suis fait cirer en quittant l’hôtel Talleyrand, ma chaussure eût eu honte de ses relations avec le faquin en question.

À cette boutade, Bassano, Berthier se déridèrent. Il leur sembla que ce coup de botte décoché par Milhuitcent, effaçait toutes les turpitudes dont le maître était victime.

Encouragé ainsi, le jeune garçon continua.

— Au surplus, pourquoi ne pas tout dire de suite ? Pourquoi continuer la lecture de ce rapport que M. de Caulaincourt écrivit en pleurant ? Ce qu’ils font là-bas ne signifie rien. Vous êtes ici avec votre armée… Pour rejeter vos ennemis dans la poussière, il vous suffit, à vous qui les avez battus depuis vingt ans, de les battre une fois de plus.

L’Empereur approuvait de la tête, heureux de cette confiance juvénile en son génie.

À cette heure même, Napoléon songeait que, suivant son expression, l’ennemi était dans une position à tout perdre.

En effet s’il ne pouvait lui-même réunir que 70.000 combattants, les 180.000 soldats de la coalition se trouvaient partagés en trois corps. L’un