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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/65

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Question sans réponse. Sans doute, ainsi que beaucoup d’autres de moindre valeur, fut-il offusqué par le génie de Napoléon, ce pauvre grand homme dont la destinée fut d’être trahi par quiconque l’approchait.

Car il faut écarter pour Talleyrand l’idée de l’ambition personnelle. Jamais dans sa carrière, il ne rencontra d’avantages équivalents à ceux que lui offrait l’Empire. Peut-être était-il de ceux qui, regardant l’histoire de haut, avaient compris que, Napoléon, héritier de la Révolution, Napoléon aux mains de qui le destin avait remis le drapeau tricolore, emblème de liberté, devait succomber sous les coups des souverains menacés par l’Idée Républicaine dans leurs plus chères prérogatives ?

Quoi qu’il en soit, il fut bien réellement le chef de l’immense conspiration à laquelle succomba l’Empereur.

Cependant Dalberg parlait. Dans le silence il disait :

— Parmi les monarques alliés, il en est un qui hésite à jeter à terre le tyran Napoléon.

— François d’Autriche, souligna de Vitrolles.

— Lui-même. Napoléon est son gendre… Le renverser, c’est détrôner Marie-Louise… Sa défection serait un désastre pour la coalition ! Et pourquoi hésite-t-il surtout ? parce que M. de Metternich, son ministre, son conseiller, son cerveau, est hésitant lui-même. Metternich a été ambassadeur à Paris, il s’est trouvé en contact avec Napoléon ; il a pour lui une admiration…

— Oh fi ! pas de ces mots-là, mon cher duc, interrompit encore le gentilhomme dauphinois.

— Pas de discussions futiles, riposta un peu sèchement M. de Talleyrand. Laissez Dalberg s’exprimer comme bon lui semble. On ne nous écoute pas, que diable, et entre nous, il convient d’appeler les choses par leur nom.

De Vitrolles courba la tête sous la réprimande et le duc poursuivit :

— Pour décider le ministre autrichien, il faudrait lui mettre sous les yeux certaines lettres écrites jadis par Joséphine à sa fille, la reine Hortense, épouse de Louis, souverain de Hollande, lettres où M. de Metternich est jugé un peu vertement, en propos attribués à l’Empereur.

Tous avaient tressailli :

— Ces lettres, ces lettres, où sont-elles ?

— Où, je l’ignore, celui qui les détient ne l’a avoué à personne.

— Mais celui-là, quel est-il ?

— Le jeune Enrik Bilmsen, fils d’un banquier de Francfort, qui est secrétaire intime de Metternich, tout comme le comte Pozzo di Borgho l’est d’Alexandre de Russie.