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Page:Ivoi - La Mort de l’Aigle.djvu/87

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porte que Milhuitcent distinguait à l’autre extrémité de l’antichambre, la porte du cabinet de l’Empereur.

Que faire ?

Le capitaine Vidal était là ; impossible de passer sans être vu. D’autre part, demeurer sur le palier eut été imprudent. À toute minute, un valet, un fonctionnaire, un chambellan pouvait survenir et s’étonner de la présence d’Espérat.

Cette fois encore, le gamin trouva le moyen de tourner la difficulté. Les rideaux de pourpre étaient notablement plus larges que la baie qu’ils masquaient. Espérat se glissa entre l’étoffe et la muraille. Là, immobile, retenant son haleine, il attendit que le prince de Bénévent sortît.

Son raisonnement était simple :

— Le capitaine, pensait-il, accompagnera l’illustre visiteur et j’aurai le chemin libre.

Comme on l’a vu, il se trompait. M. de Talleyrand refusa les services de Marc Vidal et s’éloigna sans se douter du malaise qu’il causait au spectateur invisible de la scène.

S’il l’eût osé, Milhuitcent aurait piétiné de rage. Le capitaine avait repris sa place sur la banquette. Ah çà ! allait-il obliger l’enfant à passer sa vie derrière le rideau ?

La colère ranima dans l’esprit d’Espérat des souvenirs bibliques. Que n’avait-il sous la main les trois cents renards aux queues garnies de torches ou bien la célèbre mâchoire d’âne, moyens pratiques et sûrs, grâce auxquels les héros de Palestine se débarrassaient des factionnaires gênants.

Mais voilà, semblable en cela à beaucoup de ses concitoyens, le petit n’avait sur lui, ni trois cents renards, ni une mâchoire d’âne.

Force lui était donc de chercher autre chose, quand un soldat faisant irruption dans l’antichambre, le tira d’embarras.

Ce digne fantassin prononça à mi-voix quelques mots que le gamin n’entendit pas, mais qui eurent pour effet de faire sauter le capitaine sur ses pieds.

— Un factionnaire insulté, gronda celui-ci… Vite, conduisez-moi…

Et il s’élança dehors, frôlant au passage le jeune garçon voilé par la tenture.