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Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/104

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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Ce forçat était un beau jeune homme, déporté dans l’île glaciale pour s’être battu avec des cosaques et avoir insulté ses juges. Il portait, au bagne, le no 12. Et ce Douze parla ainsi :

— Je me suis fait envoyer au bagne exprès, car je supposais que, parmi les prisonniers, se trouvait une femme, une victime. Je ne me trompais pas, elle est ici, et elle va mourir. Il faut que je la voie avant sa fin.

Tout naturellement, le général refusa l’autorisation sollicitée. Alors l’étrange forçat reprit :

— C’est par courtoisie que j’ai présenté ma demande. Que vous le vouliez ou non, je verrai ce soir la Française, la martyre dont je parle, et demain je serai libre.

On le mit aux fers. Il les brisa et parvint à assister aux derniers moments de la Française.

On le plongea dans un silo. Le lendemain, probablement grâce a des complicités qu’il fut impossible d’établir, le silo était vide. Mais le prisonnier laissait une promesse plus étrange que tout le reste. Il disait :

— Dans six mois, je reviendrai pour vous délivrer, monsieur le Gouverneur.

Tout cela avait, on le pense, frappé l’imagination de la jeune Mona. On jugera dès lors de l’effet lorsque, les six mois écoulés, les troupes japonaises ayant envahi l’île russe, le général Labianov, sur le point de trouver la mort, avec sa fille, avec une quinzaine de soldats, seuls survivants de la garnison, Mona avait vu reparaître Douze, parlant en maître aux troupes nippones, accordant les honneurs de la guerre aux Russes, et répondant à ses questions émues :

— Qui je suis, mademoiselle Mona ? Qu’importe. Oubliez que ma route a croisé la vôtre.

— Ah ! faites que ma pensée ait au moins un nom auquel suspendre sa reconnaissance.

Il avait souri tristement.

— Soit donc… puisque vous voulez vous souvenir, pensez à Dodekhan, ou Dilevnor… pensez au Justicier, au Maître du Drapeau Bleu.

Depuis elle ne l’avait jamais revu ; mais sans, cesse, ainsi qu’elle l’avait confié à Lotus-Nacré, lors de leur promenade à La Haye, sans cesse elle avait senti dans les événements heureux caressant son