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Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/330

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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

tisme, car c’est du banditisme pur… Ces messieurs pourraient vous retenir prisonnier.

Mais à sa profonde stupeur, l’Anglais répondit :

— Le cas a été prévu. Moi prisonnier, mon navire torpillerait quand même.

— Il vous ferait sauter avec nous ?

— Oui, madame.

Le visage du lieutenant était demeuré impassible ; il n’y avait pas trace d’émotion dans sa voix. Il allait au devoir, à la mort, avec cette morgue un peu hautaine qui est la caractéristique du courage anglais.

Prompte aux revirements, Sara ne put se défendre d’un sentiment d’admiration.

— Mais au moins, pourquoi nous traite-t-on avec cette rigueur ?

Il répondit lentement :

— Je ne sais pas, madame.

Il était décidément héroïque, cet officier qui, sans s’inquiéter des causes, s’était embarqué sur un ordre du vaisseau amiral, pour se rendre au Maharatsu, avec l’idée que peut-être le grand Electric boat serait son tombeau.

Lucien et Dodekhan le pensèrent sans doute, car tous deux se découvrirent. Le Maître du Drapeau Bleu prononça, non sans une nuance d’émotion :

— Il serait regrettable, monsieur, de priver la marine britannique d’un officier tel que vous… nous sommes prêts à vous suivre.

L’Anglais ne manifesta pas plus de satisfaction qu’il n’avait montré de crainte.

— Veuillez donc embarquer. Le canot vous portera au vaisseau amiral.

— Mais vous-même ?

— Moi, je reste à la garde de votre navire, avec ces hommes qu’amène le grand canot.

Depuis un instant, tout à la scène où ils étaient acteurs, les passagers du Maharatsu avaient détourné les yeux de la mer. À la parole, au geste du lieutenant, ils regardèrent. À cinquante mètres environ, le grand canot du cuirassé amiral arrivait, monté par une vingtaine d’hommes armés de fusils et appartenant de façon manifeste à la compagnie de débarquement.

Résister eut été folie.

Dodekhan enveloppa d’un regard attristé Mona et ses compagnons, puis très doucement :