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Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/132

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— Si, un morceau d’étoffe que la victime tenait encore dans ses mains glacées.

— Un morceau d’étoffe…

— Que j’ai brûlé après examen, car seuls, vous et moi, devons connaître ce détail.

— Edith a donc lutté, d’après vous ?

— Oui, comme une brave fille qu’elle était… Vous aviez raison de lui être attachée. L’homme a pénétré dans le cabinet par la fenêtre. On peut l’atteindre facilement, en s’aidant du mur mitoyen. Il a ouvert la garde-robe, décroché le manteau et coupé l’ourlet. À ce moment, il a heurté un meuble ou laissé tomber ses ciseaux, enfin produit un bruit quelconque. Edith, qui lisait au coin du feu, est accourue au bruit. Elle a cherché à reprendre au drôle le lé d’étoffe.

Il fit une pause, puis ajouta d’un accent dont Mrs. Lodgers frissonna jusqu’au fond de l’être :

— Et, à l’expression de terreur et d’étonnement dont les traits immobiles de la morte sont restés empreints, je jurerais qu’elle a reconnu son meurtrier…

— Reconnu, ce serait donc quelqu’un… ?

— De votre entourage. Voilà pourquoi le silence est indispensable. Il ne faut pas qu’un mot dévoile à ce personnage que l’on est sur sa trace. Lui laisser la confiance, la certitude que rien ne l’accuse, c’est assurer notre victoire.

— Mais si ce n’est pas un fou, qui est-ce donc ?

— Pour tout le monde, ce doit être un fou. Vous et moi seuls saurons que c’est un espion.

— Un espion ! redit-elle avec dégoût.

— Un espion, oui, à la barbe fauve. Un Allemand probablement.

Il ne continua pas. Mrs. Lodgers s’était dressée toute droite, les bras jetés en avant, une épouvante sur les traits de son charmant visage.

— La barbe fauve !… Allemand !…

Mais Dick Fann lui prit doucement les mains, et, d’une voix enveloppante :

— Je vois que vous le reconnaissez aussi… que c’est un homme de votre monde. Eh bien ! laissez-moi vous prier de n’ajouter pas un mot. Pour un personnage, il faut des preuves éclatantes. Lui seul peut nous les donner en se trahissant… oubliez mes paroles jusqu’à ce moment… Oubliez tout, même si vous le revoyez.

Une seconde, Mrs. Lodgers ferma les yeux. Le frémissement de ses lèvres décelait son angoisse. Puis