Aller au contenu

Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Peut-être sa joie eût-elle été moins grande s’il avait pu voir son interlocuteur demeuré seul dans son cabinet.

Pendant plus d’une minute, Dick Fann se livra aux contorsions d’un rire silencieux. Ah ! il ne ressemblait plus au gentleman somnolant une heure plus tôt dans son fauteuil. Toute sa personne exprimait la vigueur, la soif de la lutte, et ses yeux brillaient ainsi que des escarboucles.

Enfin, cette gaieté s’apaisa. Le détective marcha vers la porte, l’ouvrit avec précaution et regarda au dehors.

Dans la pièce voisine, deux femmes attendaient, bavardant à voix basse.

L’une était Fleuriane. Le regard scrutateur du détective se fixa sur sa compagne, en qui il devina sans peine la dame de compagnie, Mme Patorne.

Tout de noir vêtue, grande, osseuse, assez masculine d’allure, celle-ci pouvait compter quarante-cinq ans, âge fatal où l’on commence à n’avoir plus que les restes de la beauté d’antan. Les restes de Mme Patorne indiquaient une laideur remontant à la naissance, laideur dont la propriétaire avait dû cruellement souffrir si l’on en jugeait par ses mines, ses gestes remplis d’afféterie. Évidemment, l’existence de la dame avait dû être un incessant combat entre l’invincible laideur et la recherche de grâces artificielles. Comme il advient en général en ces sortes de luttes, Mme Patorne avait atteint à ce degré de ridicule où l’on amuse tellement la galerie qu’elle vous pardonne de n’être point jolie à voir.

— Une bête à bon Dieu qui fait des grimaces, formula le détective pour lui-même.

Puis, à haute voix, il appela :

— Mademoiselle Fleuriane, voulez-vous venir un instant ?

La jeune fille tressaillit et s’empressant vers son interlocuteur :

— Qu’y a-t-il donc ?

Pour toute réponse, Dick la fit entrer dans son cabinet et s’y enferma avec elle. Fleuriane le considéra avec surprise. Il lui semblait changé depuis tout à l’heure. Sous le calme de ses traits on devinait la circulation formidablement active de l’idée. Elle ouvrit la bouche pour l’interroger, il parla plus vite qu’elle-même.