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Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/251

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bre, je distinguais nettement ce qui se passait en arrière de moi, et cela sans que nul pût s’en douter. C’est, comme vous le voyez, une autre application des lunettes qui m’ont servi à Paris.

« Vers onze heures, je fermai contrevents et fenêtre, comme un bon bourgeois qui se décide au repos. Seulement, avant de m’endormir, j’eus avec votre père, ce cher mulâtre Noscoso, une conversation où fut convenu tout ce qui se produisit par la suite.

« Après cela, je travaillai une heure environ dans la cheminée de ma chambre. Je vous dirai pourquoi dans un instant.

« Je dormis admirablement. Au jour, j’étais frais, dispos ; j’étais, en vérité, admirablement préparé à me faire poignarder.

« Je sortis, me promenai à travers la ville, me donnant l’apparence de « filer Larmette ». Il est bon marcheur, me fit faire pas mal de chemin. Enfin, je le perdis, car ce jeu inutile ne devait pas être continué.

« Sans en avoir l’air, votre père, lui, grâce à un petit appareil assez ingénieux, introduit dans une fente de volet et absolument invisible du dehors, guettait le Chilien Botera.

« Quand je rentrai, il m’annonça que ce dernier avait travaillé toute la journée à transformer des chaussures japonaises.

« Vous savez que ces chaussures, dites de pagode, ou de grande cérémonie, portent sous la semelle, non pas un, mais deux talons hauts, soutenant, l’un le bout du pied, l’autre, le talon, si bien que la trace laissée sur le sable par un soulier de ce genre est un double talon, ne rappelant en rien la forme d’un pied européen.

« Autant que M. Defrance avait pu en juger, l’ingénieur avait supprimé l’un des supports, maintenant il ne restait plus que le talon de la partie antérieure de la semelle, et ce talon, Botera l’avait évidemment déformé, car il s’était escrimé dessus avec un couteau ou un ciseau, M. Defrance ne pouvait se prononcer exactement sur la nature de l’instrument.

« Huit heures, neuf heures sonnèrent. Comme à l’ordinaire, la rue se fit silencieuse. Allons, l’instant était venu de m’offrir au poignard de Larmette.

« J’ouvris mes volets et m’assis comme la veille, le dos appuyé aux barreaux de fer scellés au-devant de la croisée. Dans cette position, je parus me plonger dans la lecture d’un roman dont je m’étais muni.

« Sur ma table, le prisme à réflexion totale proje-