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Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/332

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l’officier marinier, lequel se trouvait en ville, ce soir-là.

Jamais un marin ne résiste à l’offre d’un punch.

Dick Fann, ayant froid, le proposa tout naturellement. Si bien que, de neuf heures et demie à onze heures vingt-cinq, il s’abrita dans le poste de l’équipage et fit brûler du rhum sucré dont le brave gardien du bord absorba les quatre cinquièmes, « à la santé du digne terrien » qui le lui offrait.

Il eut même du mal à se séparer de son nouvel ami. S’il n’avait été retenu par son service, le matelot se fût attaché au détective comme son ombre.

Songez donc  ! Un homme qui fait couler le rhum à pleins verres.

Mais le service, par bonheur, attachait le trop reconnaissant loup de mer à son navire. Il laissa partir le jeune homme, non sans les serments les plus énergiques de le revoir, et Dick s’éloigna. Un instant encore, le sourire, né des protestations de son compagnon de rencontre, flotta sur ses lèvres, puis son visage revêtit une expression grave.

L’heure de l’action approchait. Il avait promis au directeur de la police qu’il écarterait de lui le danger, et une émotion lui venait à la pensée que le débonnaire directeur pourrait être victime de sa confiance.

Le détective était parvenu sur la perspective Sakhalinsk.

La représentation au théâtre ne se terminait pas avant vingt-cinq minutes. L’avenue s’allongeait déserte.

Les hôtels en bordure apparaissaient endormis. Aucune fenêtre éclairée. Aucune, c’est trop dire. Au premier étage de l’une des constructions, une croisée, bien que masquée à l’intérieur par un store épais, se montrait lumineuse. Derrière le store, par transparence, on devinait un foyer de clarté intense.

Et comme le jeune homme considérait machinalement la baie éclairée, l’ombre d’une main se dessina sur le rideau, l’ombre d’une main tenant l’ombre d’un flambeau, qu’elle éleva d’un mètre environ, puis qu’elle replaça dans sa position première.

Presque aussitôt dans le parc Alexandreïeff, faisant face à la fenêtre éclairée, retentit l’appel bref de la corneille cendrée, cet oiseau étrange, de la taille des choucas, qui supporte les effroyables températures de l’hiver Sibérien.

Le cri était nature, suivi du claquement caractéris-