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Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/344

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naux, que tu me serais remise… On va te conduire à bord d’un navire qui te mènera dans mon pays… Là-bas, en m’attendant, moi qu’un grand devoir retiendra encore quelque temps…

— D’autres à sauver, peut-être ? fit-elle à demi-voix.

Étrange clairvoyance d’un esprit s’ouvrant à la confiance. Elle devinait qu’une chose noble pouvait seule retenir Dick Fann.

La fillette, grandie dans la douleur, nourrie de haine contre tous, pressentait la bonté, l’abnégation, le dévouement, démontrant ainsi, à la confusion des philosophes pessimistes, l’irréductible tendance de l’humanité vers le bien. Il poursuivait :

— Tu as dit vrai, mignonne… Oui, d’autres ont encore besoin de moi… Mais là-bas, à Londres, c’est le nom de ma patrie, une parente t’attendra… Elle est veuve, seule au monde, avec le regret de n’avoir pas un enfant à aimer… Tu seras l’enfant… Aime-la ; elle t’aimera… Et puis tu ne connaîtras plus le froid, la faim des abandonnées.

Elle l’écoutait, respirant avec force. Son cœur devait éperdument sauter dans les parois de sa frêle poitrine. D’un geste brusque, elle agrippa la main de son interlocuteur, la porta frénétiquement à ses lèvres, puis l’abandonnant, ainsi qu’une enfant prise en faute, elle baissa la tête, murmurant :

— Pardon !

Du coup, Dick n’y tint plus. Des larmes jaillirent de ses yeux. Il enleva la fillette dans ses bras, l’embrassa sur les deux joues, et la replaçant sur sa chaise :

— Tu vois, petite, que nous serons amis.

— Oh ! oui ! fit-elle d’un ton pénétré.

Et brusquement, une pensée confuse se faisant jour en elle :

— Vous n’avez pas besoin de quelqu’un prêt à mourir pour vous ? Oh ! je ne suis pas robuste, mais, vous l’avez vu cette nuit, je puis jouer ma vie.

Vivement, elle ajouta :

— Plus comme cela ; non, plus comme cela… Vous, je le sens, vous ne demanderiez pas pareille chose…

Et sa voix se faisant suppliante :

— Mais autrement, peut-être, ma vie serait utile… C’est bien peu, la vie d’une gamine ; seulement, je n’ai que cela.

À présent, elle était dans les bras de son sauveur. Il la berçait doucement.