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Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/373

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sant des cris. Cette manœuvre réussit sans doute, car le peloton activa son allure, piquant droit vers les égarés.

Dix minutes après les avoir aperçus, Dick Fann et le petit Jean se trouvaient entourés par une dizaine d’hommes, coiffés de bonnets coniques, d’amples caftans retombant sur la croupe de leurs montures, chausses de bottes fauves, et armés de poignards aux formes bizarres, de longs fusils incrustés d’argent.

En avant des cavaliers, celui qui paraissait être le chef, poussa son cheval.

C’était un homme de haute taille, autant qu’on en pouvait juger. Ses épaules carrées, massives, annonçaient une force peu commune. Son visage, cuit par le hâle du désert, encadré par une longue barbe blanche, respirait la bonté. Oh ! une bonté fruste, quelque peu barbare, mais qui n’en appelait pas moins la confiance. En mauvais russe, il demanda :

— Pourquoi les signes que vous nous avez adressés ? Que demandez-vous à Ghis, fils de Tamlan, Khan respecté de cent yourtes, chef de deux centaines de guerriers ?

L’emphase mongole sonnait dans la voix du vieillard. Une noblesse réelle s’y mêlait aussi, en dépit du véritable baragouin qu’il jugeait être, du russe, le personnage conservait une grandeur exempte de ridicule.

Et Dick, que sa teinture de la langue moscovite désignait aux fonctions d’interprète, répondit sans hésiter :

— Perdus dans le steppe, nous cherchons un abri où nous puissions satisfaire notre faim.

Le Mongol cligna des paupières.

— Ah ! ah ! égarés. Comment vous êtes-vous égarés ? Vous êtes loin de la frontière sibérienne, car vous êtes des blancs et c’est de Sibérie que vous venez certainement. Or, on ne s’engage pas à pied dans nos plaines infinies.

— Aussi n’y sommes nous pas venus, nous y avons été amenés.

— Par qui ? Quels sont donc les guides qui abandonnent les voyageurs ?

— Des forçats du Baïkal.

— Des forçats ?

Le vieillard répéta ces mots en fronçant les sourcils.

— Les forçats, redit-il encore. Je vais parfois aux foires d’Irkoutsk, et j’ai entendu parler de ces gens.