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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/104

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couvert de « bleus » ! si ce n’était pas pour les millions…, je lui tordrais le cou à cette céleste joie !

Et, sans doute, Morlaix faisait ressortir aux yeux de Lisbeth le ridicule de la situation, car la jeune Allemande riait maintenant lorsque Niclauss laissait échapper une clameur de détresse. Elle s’émancipa même jusqu’à dire, au moment où l’infortuné lançait un : Aïe ! plus aigu que les autres :

Pois d’Espagne… Musique, mélodie !

Musique, mélodie !… Ah ! il lui en donnerait de la mélodie après le mariage ! Mais tout a une fin, les heures désagréables comme les autres. Rana donna le signal de quitter la table, et les deux « fiancés », à jeun, la suivirent au salon, où le café était servi.

Comme par hasard, la nourrice se trouva munie d’une petite fiole d’huile de ricin, qu’elle versa consciencieusement dans les tasses de ses « futurs ».

— Afin, dit-elle, parodiant sans le savoir le Purgon de Molière, afin d’édulcorer le tube digestif de mes chers fiancés, et de leur conserver un teint frais et rose.

Et ce flegmatique Gravelotte Albin de répondre :

— Oh ! madame Rana, vous êtes un ange… hygiéniste ! 

Non vraiment, cet être-là, Niclauss l’aurait pulvérisé, s’il avait été certain d’être le plus fort, et si des millions n’eussent point figuré l’enjeu de la partie ! Cependant les autres dégustaient le breuvage parfumé, dont l’arôme délicat embaumait l’air, imposant à l’Allemand un supplice de Tantale, particulièrement raffiné.

Comme il restait là, effaré, vexé, grotesque et affligé.

— C’est un mélange de mon invention, déclara l’oncle François. Moka, Bourbon, Java.

— Exquis, s’écria Fleck.

Graine de Moka… rêverie, minauda Lisbeth avec un regard à Morlaix.

Graine de Bourbon… poésie, répliqua ce dernier sans hésiter.

La jeune fille frappa joyeusement ses mains l’une contre l’autre, et susurra d’un ton pâmé :

Graine de Java… tendre douceur !