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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/137

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Incapable de deviner la nourrice sous son déguisement, de discerner par suite l’énorme piège qu’elle lui tendait, il prenait ses paroles à la lettre.

Cette fois, son épouvante prit des proportions épiques. La sueur ruissela sur son front, ses yeux s’égarèrent.

— Donc, reprit Rana, je réclame la suprême épreuve.

— Laquelle ?

— Celle de la dégustation. Je demande à déguster, quelques bribes de mon gendre proposé, afin de me décider en toute connaissance de cause.

— C’est ton droit ! c’est ton droit ! rugit l’assemblée transportée d’aise. Un père a le droit de manger un morceau de l’époux de sa fille.

— Comment, bégaya Niclauss terrifié, de manger…

Il ne put achever.

Remerciant du geste, Rana avait pris un couteau à la ceinture d’un des assistants, le frottait sur sa manche, puis lentement, à petits pas, se dirigeait vers l’Allemand.

Dans ses yeux brillait la convoitise ; sa langue pourléchait ses lèvres de gourmande façon. Vraiment on eût cru voir un gourmet en présence d’une table bien servie.

Niclauss voulut crier.

Sa voix s’étrangla dans sa gorge.

Il essaya de briser ses liens.

Les cordes qui le maintenaient lui meurtrirent la chair.

Et anéanti, paralysé par la terreur, il vit le faux vieillard se rapprocher encore.

Tout près de sa victime, la nourrice s’arrêta. Tenant délicatement le couteau entre ses doigts maigres, elle tourna autour du pauvre diable. De la pointe acérée, elle désignait telle ou telle partie du torse. À tout instant, Niclauss s’attendait à sentir l’acier s’enfoncer dans ses muscles.

Pour ses bras, ses épaules, ses omoplates, il trembla successivement, en pure perte d’ailleurs, car ces morceaux, appréciés cependant des gourmets battas, ne fixèrent pas le choix de Rana.