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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/146

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Morlaix les toisa et se retourna vers Albin, croyant avoir mal interprété le coup d’œil du jeune homme.

Celui-ci murmura :

— Tu n’es pas frappé par cette ressemblance ?

— Quelle ressemblance ?

— L’une de ces dames… la taille, la démarche…

— De qui ?

— De Hato, la Batta au visage bleu.

— Tu es fou.

— Et aussi de cette adorable enfant apparue auprès de l’oncle François, le jour de notre arrestation.

— Laquelle des deux ? fit ironiquement Morlaix.

— Toutes les deux, car elles avaient même tournure, mêmes yeux… Ah ! il faut que je voie la figure de cette passagère.

Déjà Gravelotte s’élançait : son ami le retint.

— Allons, allons, tu ne vas pas causer du scandale ! — et narquois : ah ! tu pouvais me narguer tout à l’heure. Parbleu ! Je suis ridicule d’éprouver un sentiment très doux pour une jolie blonde à qui je parle chaque jour… Toi tu répands de l’affection, comme d’autres sèment du blé, sur trois personnes, car cette dame comprise, cela fait tout juste ce nombre fatidique, qui, au dire des Anciens, réjouissait Jupiter : Numero deus impare gaudet.

Albin n’écoutait plus.

Les voyageuses et l’homme qui les suivait, dispensés des formalités de douane ou les laissant remplir par des serviteurs, venaient de héler une de ces charmantes voitures découvertes qui pullulent à Batavia, où le prestige interdit aux blancs de marcher à pied.

Dans le joli véhicule, tressé en joncs de couleurs diverses, attelé de poneys minuscules importés de l’île de Timor, et dont la taille ne dépasse pas celle d’un terre-neuve, elles prenaient place.

Le cocher à la blouse lilas, au chapeau cloche à raies rouges et dorées, sautait sur le siège et, stimulant son attelage lilliputien de la voix et du fouet, le lançait au galop.

— Bonsoir, ait philosophiquement Morlaix, — et frappant sur l’épaule d’Albin : — allons, ami, oublie ces Américaines. Que diable, il ne faut pas être insatiable. Tu as huit fiancées à mériter pour délivrer