Pourquoi songer à ces dames ?
Est-ce qu’il allait épouser les rêves de ce songe-creux de Gravelotte ?
Il se gourmanda ; mais, en dépit de ses efforts, l’idée persista, tenace.
Tant et si bien que le docteur reparaissant au bout d’un quart d’heure, Morlaix se précipita vers lui.
— Pardon, docteur, une question ?
— Deux, si vous le désirez, monsieur, répondit courtoisement le praticien.
— Vous venez de voir une malade ?
Le médecin prit une mine grave.
— Un cas grave, monsieur, un cas grave de fièvre maligne.
— Grave ?
— À ce point que la pauvre jeune dame pourrait bien n’être plus là demain. Vous n’êtes pas son parent, au moins ? murmura avec inquiétude le docteur qui se repentait d’avoir parlé trop franchement.
— Non, non. C’est une Américaine, n’est-ce pas ?
— On me l’a dit.
— Je le pensais. Je me suis rencontré avec elle sur le paquebot de Singapour et, naturellement, l’intérêt que des voyageurs se portent entre eux…
Un sourire mélancolique courut sur la bonne figure du docteur.
— Oui, oui, la jeunesse aime la jeunesse… J’ai prescrit le traitement approprié. À cet âge, il ne faut jamais désespérer !
Et, s’éloignant, comme pour couper court à de nouvelles interrogations, il mâchonna entre ses dents cette phrase peu rassurante :
— Mais c’est grave, terriblement grave !
Morlaix ne chercha, pas à le retenir. Il demeurait en place, abattu. Pourquoi ? Il ne comprenait rien à cet état d’esprit. À de certaines heures, un découragement nous saisit ; il semble qu’autour de nous la nuit se fait, que sur notre front s’applique une calotte de plomb. On a l’impression du deuil, la sensation de la désespérance. C’est qu’à cet instant fonctionne une force mysté-