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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/169

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Même succès, mais, hélas ! aussi fugitif. De nouveau le ronflement sonore ébranla l’atmosphère.

— Ah ! gémit l’infortunée compagne de la grosse personne. Certes, dans une colonie hollandaise, il est de bon goût de ronfler comme une toupie de même nationalité ; mais il serait de meilleur ton, j’imagine, de me laisser reposer.

Et, avec un profond soupir :

— Décidément, je n’ai pas de chance depuis que je promène moi-même en rond autour du monde, avec cette insupportable !

La plainte de la charmante petite Anglaise blonde appelle quelques mots d’explication.

Miss Eléna était l’unique enfant d’un pasteur du nom de Frognose. Ses premières années s’écoulèrent dans une petite maison triste, presque pauvre au milieu d’une existence chiche, où on liardait par nécessité, bien qu’il n’y ait pas de liards en Angleterre et que l’équivalent monétaire s’appelle farthing.

Elle gagna à cette parcimonie obligatoire un tendre sentiment à l’égard de l’argent et aussi de l’or.

Oh ! non pas ce sentiment vil de l’avare, qui fait dire aux disciples d’Harpagon :

— L’argent est plat pour s’empiler !

Mais cette tendresse des généreux, des prodigues, qu’ils traduisent par cette locution :

— L’argent est rond pour rouler.

Et comme elle avait crû en grâce, en gentillesse, en beauté, milord Plutus (comme on dit poliment à l’université d’Oxford, quand on parle de cette sommité mythologique), milord Plutus

Par un beau jour, lui donna la licence
De se livrer à son goût de dépense.

Certes, l’ambassadeur du gentleman Plutus n’était pas joli, joli, non plus que jeune, jeune ; mais les dieux, comme les gouvernements, réunissent rarement sur un seul front adolescence ; beauté et diplomatie.

L’ambassadeur en question fut un vieillard, riche drapier de la Cite, principal possesseur de la maison universellement connue Doode and Toope, limited, lequel sollicita la main de la blonde enfant pour l’em-