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Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/242

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ment un mangoustan délicieux à la pulpe crémeuse et rose.

Comment réussirait-elle à instruire Morlaix de ce qu’elle savait ?

Tout à coup, elle prêta l’oreille.

Une fanfare bruyante venait de se faire entendre.

Presque aussitôt un cortège fit irruption sur la place. En tête caracolaient des musiciens, aux langoutis bleu et or. Les mouvements des montures causaient de nombreuses fausses notes, mais les exécutants n’en avaient cure.

Puis, venaient des dragons, verts et rouges, casqués d’or et d’aigrettes, cernant une voiture à huit chevaux — (huit, nombre princier) — dans laquelle trônaient deux Européens.

— Mon cousin, murmura Gavrelotten.

— Notre rival, repartit Fleck. Hein ? Il arrive trop tard. Nous avons bien fait de l’embarrasser d’une escorte.

En effet, les nouveaux venus n’étaient autre qu’Albin Gravelotte et son fidèle Morlaix.

Depuis Samarang, ils avaient voyagé ainsi, les escortes se relevant à chaque relais, où ils trouvaient la table mise, le chef indigène en grande tenue prête à les servir durant le repas. À Salatiga, à Sourakarta, ç’avaient été des fêtes inoubliables.

Sur la route « postale » divisée en trois bandes : la médiane réservée aux personnages d’importance, les latérales affectées aux transports publics, et où défilaient les caravanes de chevaux, de lourds chariots, aux roues pleines affectant les formes massives des véhicules mérovingiens, les populations en habits de fête venaient se prosterner au passage des Français honorés d’une escorte de hauts dignitaires. 

Et tous deux, encore que leur marche fût parfois ralentie, finissaient par s’amuser de cette pompe orientale, dans un décor des Mille et une Nuits, avec, au loin, les colossales silhouettes des volcans, Merbabou et Mérapi, et tout près, bordant le chemin, des tulipiers aux fleurs jaunes, des dragonniers aux rameaux étranges, des sensitives, des arbres à pain.

Maintenant, attirée par le bruit, une foule grouillante envahissait la place de la Résidence. Mandarins suivis de leur porte-parasol vert et or, soldats armés de piques, de kriss d’or, coiffés d’une mitre,