— Il m’a vue. Comment fera-t-il pour apprendre ce que j’ai à lui dire ?
Tout à coup, elle frémit. À grand’peine, elle étouffa un cri prêt à jaillir de ses lèvres. Albin et Morlaix gravissaient les degrés du perron de la véranda du Mérapi Hôtel.
Lisbeth remarqua que Gravelotte portait un bouquet à la main.
— Fleurs roses, murmura-t-elle, étrange ! Il devrait tenir la jonquille de l’ingéniosité.
Fleck grommelait :
— Qu’est-ce qu’ils veulent ces Français, ces buveurs de vin ?
Et Niclauss regardait approcher les jeunes gens.
Ceux-ci s’arrêtèrent auprès du trio, saluèrent correctement, puis Albin, de sa voix la plus insinuante :
— Mon cousin, Mademoiselle, Monsieur, j’ai l’honneur de vous saluer.
Quoi qu’ils en eussent, les Allemands s’inclinèrent.
Albin continua, sans paraître s’apercevoir de leur étonnement.
— Je vous ai aperçus, en arrivant ici. Bien que rivaux, rien ne nous force à manquer de courtoisie ; puisqu’un heureux hasard nous a amenés en des logis voisins, j’ai tenu à vous rendre visite et à vous assurer de mes sentiments de considération.
Fleck et Niclauss se déridèrent.
Il était vraiment trop drôle, ce Français, se confondant en politesses vis-à-vis d’eux qui, à présent, avaient de bonnes raisons de penser qu’ils tenaient en main les atouts de la partie engagée.
Le sentiment de leur supériorité les incita à se montrer aimables. Ils se laissèrent secouer la main par les visiteurs. Ils permirent à Albin d’offrir à Lisbeth la touffe de fleurs roses, et même, avec une douce hilarité, ils autorisèrent le jeune homme à fixer à la boutonnière de chacun d’eux un superbe calice rouge.
— Ah ! bredouilla Niclauss avec la lourde raillerie germanique, je suis bien fatigué par la chaleur, mais votre présence me réjouit. Je vous trouve tout à fait plaisants à voir.
Albin riposta :
— Bon. J’allais vous faire le même aveu.
Cette fois, Fleck unit son rire à celui de Gavrelotten.